Au moment où les forces armées de la République démocratique du Congo (les FARDC) annonçaient dimanche avoir suspendu depuis le 4 mai leur offensive contre les mutins fidèles au Général Bosco Ntaganda et avoir donné un ultimatum de cinq jours aux militaires insurgés pour se rendre, le Colonel Makenga, ancien du CNDP et lui aussi devenu depuis 2009 officier au sein des FARDC comme Bosco Ntaganda, a annoncé dans un communiqué de presse la « redynamisation de l’aile politique du CNDP » à travers ce qu’il a nommé le Mouvement du 23 mars, M23.
Le nom ferait référence au 23 mars 2009, date à laquelle le CNDP, alors mouvement politico-militaire, avait signé avec le gouvernement un accord pour mettre fin à la rébellion, se muer en parti politique, et faire intégrer ses troupes dans les FARDC. C’était quelques semaines seulement après la mise sur la touche de Laurent Nkunda et son arrestation au Rwanda, retournement qui avait été rendu possible par, semble-t-il, l’implication personnelle du Général Bosco Ntaganda, et la collaboration plus qu’indispensable – à quel prix ? On ne le saura jamais – du Rwanda de Paul Kagame (qui soutenait la lutte et les revendications du CNDP).
Ce mercredi, sur les ondes d’une radio internationale, le porte-parole de ce M23 a affirmé que leur mouvement avait comme objectif principal de faire respecter cet accord passé avec le gouvernement Congolais. Il a semblé indiquer que le Général Bosco Ntaganda ne faisait pas partie de leur mouvement, et que son problème avec les FARDC ne les engrangeait pas. Dans cette interview remplie de contradictions et d’incohérences, il a expliqué qu’ils se considéraient encore comme membres des FARDC, tout en relevant qu’ils s’étaient retirés dans le parc des Virunga, et qu’ils se sont affrontés aux FARDC ces derniers jours.
Le président du CNDP, le Sénateur Edouard Mwangachuchu, a quant à lui indiqué que son parti politique s’insurgeait contre l’utilisation de son nom par ces militaires insurgés, tentant maladroitement de convaincre l’opinion que le CNDP restait attaché au processus de paix. Pour rappel, le CNDP fait partie de la plate-forme qui a soutenu le président Kabila lors des dernières élections, la MP (Majorité présidentielle). Cependant, il n’a obtenu aucun siège à la députation nationale, et les élections dans son fief de Masisi ont tout simplement été annulées par la CENI suite à de multiples irrégularités dont elles ont été entachées. Du coup, son poids politique a sensiblement baissé, et le Président Kabila a semblé vouloir s’en débarrasser. Par exemple, aucune place dans le nouveau gouvernement n’a été offerte au CNDP.
Du coup, c’est la carte militaire qu’il reste au CNDP. La force politique, il n’en a pas eue. Mais la force militaire, il en a encore, et à mon avis c’est ce qu’il semble vouloir démontrer pour faire du chantage au pouvoir de Kinshasa et obtenir des postes, tout en protégeant le Général Bosco Ntaganda. Mais le CNDP joue la prudence et préfère agir en deux temps : un front politique, sur lequel il fait semblant de rester loyal à Kabila, et un front militaire qu’il dédie à Makenga et ses troupes, en prenant le soin de ne pas impliquer officiellement Bosco Ntaganda, au risque d’aggraver sa situation déjà délicate.
Ceux qui le connaissent disent du Colonel Makenga qu’il est parmi les radicaux du CNDP, et qu’il a difficilement digéré l’arrestation de Laurent Nkunda en 2009, bien qu’à l’époque il ne disposait d’aucun levier pour s’opposer au rapprochement avec le gouvernement facilité par le « Terminator » Ntaganda. Le moment est-il propice pour lui de prendre sa revanche ? Les prochains jours nous le diront. Les collines de Runyoni, à la frontière entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda, où il s’est retiré constituent un lieu parfait pour pouvoir à la fois affronter les FARDC qui l’attaqueraient, et être proche des bases arrières que pourraient constituer ces deux pays voisins de la RDC. Vont-ils le soutenir, rester neutres, ou appuyer le gouvernement de Kabila ? La réponse à cette question sera déterminante.
Ce qui est sûr, c’est que le Président Kabila et le gouvernement Matata Ponyo qui devrait être investi aujourd’hui n’auront pas de cadeau, et qu’ils vont devoir choisir rapidement entre mener une guerre qu’ils ne sont pas certains de gagner, et faire des concessions au CNDP, ou plutôt au M23, enfin de maintenir la trêve obtenue en 2009. Cette dernière solution est la plus évidente au regard à la fois de l’incapacité des FARDC, dans les conditions actuelles, à juguler une rébellion, et de la décision prise la semaine dernière de suspendre les opérations militaires. Mais elle est bien sûr éphémère.
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