La trève de l'insurrection au Nord-Kivu n'aura finalement été que de courte durée.
Alors qu'à Kinshasa l'on annonçait le nouveau gouvernement à la fin de la semaine dernière, la population de Masisi, elle, était mise en débandade par des affrontements entre des insurgés que les médias ont donné pour fidèles au général Bosco Ntaganda, et les forces armées de la République Démocratique du Congo, les FARDC.
Lundi matin, plusieurs cités et agglomérations du territoire de Masisi (à la limite nord-ouest de la ville de Goma, à plus ou moins 25 kilomètres) étaient sous le contrôle de ces mutins: Kitchanga (ancien quartier général du CNDP de Laurent Nkunda), Kingi, Rubaya, Bwiza, Muheto, Kibabi, Kirorirwe, Mweso, Murambi, Bihambwe, Bunyoli, et surtout Mushaki (lieu où B. NTAGANDA dit se trouver actuellement). Selon certaines sources dignes de foi à Masisi, les insurgés, qui avaient lancé leur offensive dans la nuit de samedi à dimanche, avaient installé leur état-major sur les collines de Kingi et Kibati.
Dès dimanches, des dizaines de milliers de gens affluaient vers Sake (à la limite sud du territoire de Masisi) et Goma, bagages sur la tête (certains visiblement très fatigués et désemparés). Quelques centaines d'entre eux ont même passé la frontière au niveau de la grande barrière de Goma pour se réfugier au Rwanda voisin. Plusieurs témoignages faisaient état de la poursuite des combats ce dimanche-là dans les collines verdoyantes du territoire le plus meurtri du Nord-Kivu. L'on a parlé aussi d’enrôlement forcé d'hommes et d'enfants, ainsi que des mesures prises par les mutins pour empêcher systématiquement la population de fuir. Mais c'est des informations difficiles à vérifier. Certes les personnes qui ont traversé la frontière pour se réfugier au Rwanda étaient remarquablement des femmes et des enfants pour la plupart, mais cela ne veut pas dire forcément que leurs maris et frères sont restés entrain de combattre aux cotés des insurgés...
A Goma, l'on a assisté à une mobilisation générale de l'armée et de la Monusco (la force onusienne dite de stabilisation): visiblement, les FARDC avaient été prises de cours et se déployaient en cascade dans la zone de combat. Les combats auraient fait plusieurs morts et blessés au sein des FARDC, mais aucun bilan officiel n'a été donné.
L'attitude des autorités congolaises a été très maladroite: le porte-parole des FARDC à l'Est a minimisé la situation, assurant que l'armée maitrisait la situation. Le Gouverneur Julien Paluku a abondé dans le même sens dans la soirée sur les antennes de Radio Okapi. Selon lui, il s'agissait de petits troubles occasionnés par des militaires indisciplinés, et aucune cité parmi les neuf données pour prises n'était contrôlé par les insurgés. Ah, il a d'ailleurs refusé d'employer le terme insurgé... Sur le plan humanitaire, le loquace Gouverneur avait parlé de "quatre ou dix familles" qui auraient paniqué suite au crépitement des balles, et auraient décidé de quitter les villages. Pourtant dans la matinée, un conseil extraordinaire de ministres s'était tenu, sous les hospices du vice-gouverneur Feler Lutahichirwa, et avait bien parlé d'une insurrection, invitant les mutins à se rendre. Il avait aussi mis en place un "comité de crise" pour s'occuper de la situation humanitaire.
Mardi, l'on a annoncé la reprise de quelques cités par les forces loyalistes, après d'intenses combats à l'arme lourde. Mais Mushaki serait toujours aux mains des insurgés. il faut dire que c'est un endroit stratégique, pour ceux qui ne connaissent pas Masisi...
En meme temps, le Général Bosco Ntaganda, qui d'habitude n'aime pas parler aux médias, a donné une interview téléphonique à un journaliste de l'AFP (Agence France Presse), assurant ne pas être ni de près ni de loin associé à cette insurrection, et ne pas la soutenir. "Je me trouve à Mushaki, la hiérarchie militaire sait où je me trouve, je suis toujours membre des FARDC, et je ne suis pas impliqué dans ce qui est entrain de se passer à Masisi", a-t-il proclamé, en swahili. "Je ne peux pas combattre ces insurgés, parce que je n'ai aucune fonction de commandement pour le moment".
Mais il faut être naïf pour penser que B. NTAGANDA n'est pour rien dans tout ça. Non seulement il a "repris le maquis" après que l'on ait mis de la pression sur lui pour l’arrêter, mais aussi les insurgés sont ses anciens militaires qu'il commandait au sein du CNDP, et l'insurrection s'est faite là où il se trouve. Mushaki, sa colline de retraite, a même été prise, elle aussi. serait-il prisonnier de guerre, là? Rien n'est moins sur !
Bien plus, le Gouverneur Julien Paluku vient d'annoncer lui-même ce mercredi, lors d'une conférence de presse, que Bosco NTAGANDA sera "responsable de ce qui se passe dans le Masisi". Il faut dire qu'à Goma, tout le monde sait que Ntaganda essaie juste d'égarer les dupes, mais qu'il est l'instigateur de cette nouvelle guerre qui ne dit pas son nom. Pour quelle revendication? Quel objectif? Malin est celui qui saurait le dire pour le moment (d'ailleurs les insurgés n'ont fait aucune déclaration officielle. Personne ne sait ce qu'ils veulent).
Je crois pour ma part que c'est une démonstration de force, en vue de dissuader le gouvernement congolais de mettre la main sur Ntaganda. Le message codé que je crois dénicher est: osez, et nous saccageons la province !
Pour sa part, le CNDP (l'atypique parti politique), a publié mardi un communiqué dans lequel il s'explique, sans que personne ne lui ait rien demandé. Il dit ne pas être lié à ces affrontements, et en appelle au dialogue. Oui, au dialogue. Avec qui ? Au sujet de quoi? Allez vous-mêmes savoir...
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