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vendredi 23 novembre 2012

"James Kabarebe à la tête de la chaîne de commandement du M23". Résumé du rapport final du Groupe d'Experts de l'ONU, rendu public le 21 novembre 2012

Le Conseil de sécurité a des responsabilités dans ce qui arrive/ra en RDC
Le rapport final du groupe des experts des Nations unies a été finalement publié officiellement (sur le site Internet du Conseil de sécurité) le mercredi 21 novembre 2012. Auparavant, il avait fait l'objet de fuite dans la presse, peu avant l'élection du Rwanda comme membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies.
 
Mis en place pour surveiller le respect de l’embargo sur les armes, le Groupe des Experts a été chargé par le Comité des sanctions des Nations Unies, d’enquêter sur l’achat de matériel militaire par les groupes armés opérant en République Démocratique du Congo, sur les réseaux financiers qui y sont associés, ainsi que sur leur participation à l’exploitation et au commerce des ressources naturelles. Le Groupe a aussi pour mandat de collecter des données à ce sujet. 

Le 18 mai 2012, le Groupe a saisi le Comité des sanctions d’un rapport intérimaire; suivi, le 26 juin 2012, d’un additif sur les violations par le Gouvernement rwandais de l’embargo sur les armes et du régime des sanctions. Il a également présenté au Comité la réponse circonstanciée qu’il a apportée aux réfutations que le gouvernement rwandais avait formulées à cet égard. 

Son rapport final, transmis au président du Conseil de sécurité depuis le 12 novembre dernier, mais qui n'a été rendu public qu'au lendemain de la prise de la ville de Goma par le M23 (hasard de calendrier ?) met en évidence le soutien constant et substentiel du Rwanda et de l’Ouganda à la rébellion du M23. En toute logique, l’on devait donc s’attendre à des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies contre toutes les parties mises en cause dans ce rapport. Sauf que la logique n'est pas le fort des Nations unies et de la diplomatie internationale.

La Charte des Nations unies confère au Conseil de sécurité l charge principale du mintien de la paix et de la sécurité internationales. La communauté internationale est de nouveau placée devant ses responsabilités. Elle peut décider, pour une fois, d'anticiper les événements et d'empêcher que le sang des congolais continue de couler; que la sécurité et la stabilité de la RDC et de la région soient assurées. Elle peut aussi, par contre, faire comme elle a toujours fait, et laisser pourrir la situation, pour faire semblant de le regretter plus tard (souvenez-vous du Rwanda, en 1994). Le fait pour elle de continuer à éviter d'évoquer clairement et explicitement le Rwanda (ne serait-ce que cela !) me fait craindre que le monde, en particulier les nations puissantes, ne veulent pas admettre la gravité de ce qui se passe en RDC et agir en conséquence. Lors de la récente réunion du Comité des sanctions, celui-ci s'est contenté de condamner formellement Sultani Makenga, une décision aussi impertinente que ridicule, qui est loin d'influer sur le cours des choses. D'ailleurs, il n'a pas mis deux semaines, après ces soi-disant sanctions, pour marcher sur Goma. Aujourd'hui encore, j'entends avec agacement des personnalités demander au M23 de se retirer de Goma et de "déposer les armes de façon permanente", comme on s'adresserait à un enfant docile. Où est la raison ? Où est donc l'humanité ?

Ci-après, le résumé officiel de ce rapport. (Les mises en évedence sont le fait de l'auteur du blog): 

L’Est de la République démocratique du Congo demeure la proie de dizaines de groupes armés congolais et étrangers. L’instabilité s’est accentuée depuis la mutinerie d’anciens membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) et la création subséquente, cette année, du Mouvement du 23 mars (M23). Les rebelles ont, en juillet 2012 et avec une aide considérable de l’étranger, étendu leur emprise sur le territoire de Rutshuru et ils ont récemment profité d’un cessez-le-feu informel pour consolider leurs alliances et pour faire mener par des supplétifs des opérations dans d’autres zones.

Le Gouvernement rwandais continue de violer l’embargo sur les armes; il fournit directement une aide militaire aux rebelles du M23, facilite le recrutement de combattants pour le compte du Mouvement, incite et facilite la désertion de soldats des forces armées congolaises, fournit au M23 des armes, des munitions et des renseignements, et le conseille sur le plan politique. La chaîne de commandement de facto dont fait partie le général Bosco Ntaganda a à sa tête le général James Kabarebe, ministre rwandais de la Défense.

Après la publication de l’additif à son rapport intérimaire (S/2012/348/Add.1), le Groupe s’est entretenu avec le Gouvernement rwandais et a pris en considération sa réponse écrite, mais il juge qu’aucun élément fondamental des constatations qu’il a faites antérieurement ne mérite d’être modifié.

De hauts responsables ougandais ont également prêté appui au M23 : renforts militaires en RDC, livraison d’armes, assistance technique, planification commune, conseils d’ordre politique et appui dans les relations extérieures. Des unités des forces armées ougandaises et des forces armées rwandaises ont conjointement porté appui au M23 lors de la série d’attaques que le Mouvement a lancées en juillet 2012 pour s’emparer des principales villes du Rutshuru et bouter les forces armées congolaises hors du camp de Rumangabo. Les deux États, qui ont toujours défendu la cause des rebelles, ont également coopéré pour favoriser la création et l’expansion de la branche politique du M23. Le M23 et ses alliés comptent six personnes faisant l’objet de sanctions internationales, dont certaines résident en Ouganda ou au Rwanda, ou s’y rendent régulièrement.

Profitant d’une accalmie sur les lignes de front officielles, le M23 a cherché à constituer des coalitions avec d’autres groupes armés dans les deux provinces du Kivu ainsi que dans le district d’Ituri et au Kasaï Occidental. Le colonel Sultani Makenga s’est affirmé comme étant le « coordonnateur » des groupes armés alliés du Mouvement. En août et septembre, il a donné l’ordre aux Raia Mutomboki de lancer des attaques meurtrières motivées par des considérations d’ordre ethnique, qui se sont soldées par l’incendie de plus de 800 habitations et la mort de centaines de civils issus des communautés hutues congolaises de Masisi, dont les milices avaient refusé de s’allier au M23.

L’exploitation et le recrutement d’enfants soldats par des groupes armés, notamment le M23, se sont amplifiés. En particulier, plusieurs commandants du M23 connus pour avoir déjà recruté des enfants ont supervisé le recrutement et la formation de centaines de jeunes garçons et de jeunes filles. En outre, certains commandants du M23 ont ordonné l’exécution sommaire de dizaines de recrues et de prisonniers de guerre.

Les nombreuses tentatives du M23 de forger un front commun avec les groupes armés des ethnies hema et lendu, en Ituri, ainsi qu’avec les Banyamulenge du Sud-Kivu se sont heurtées à une forte résistance. Pour contrer les alliances souhaitées par le M23, le Gouvernement congolais s’est employé à favoriser l’intégration de groupes armés, notamment en Ituri et au Masisi.

Alors que leurs effectifs sont au plus bas, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), qui continuent cependant à commettre des exactions contre les populations civiles, reçoivent encore moins d’appui de l’extérieur qu’auparavant. Elles s’emploient essentiellement à résister aux attaques des forces armées congolaises et des alliés du M23. Des officiers subalternes des FDLR ont cherché à s’allier avec le gouvernement congolais contre le M23 et certains réseaux criminels des forces armées congolaises continuent de leur vendre des munitions en petites quantités. Cependant, il n’existe pas de preuve d’une coopération stratégique entre les FDLR et le Gouvernement congolais.

En ce qui concerne les groupes rebelles burundais, les Forces nationales de libération (FNL) restent divisées et font appel à des groupes armés congolais sur le terrain, tandis que le Front national pour la révolution au Burundi se dénomme désormais Front du peuple murundi (FPM) et s’est allié au M23 dans le Sud-Kivu.
Les Forces démocratiques alliées (FDA), sous contrôle ougandais, ont renforcé leurs moyens militaires en coopérant avec la mouvance Al-Chabab en Afrique de l’Est.

Les forces armées congolaises continuent d’être la proie de réseaux criminels qui permettent aux officiers supérieurs de s’enrichir par l’emprise sur les ressources naturelles et la contrebande, notamment par le trafic d’ivoire mené par des groupes armés. Le général Gabriel Amisi, chef d’état-major des forces terrestres, contrôle un réseau de distribution de munitions de chasse à des braconniers et des groupes armés, dont les Raia Mutomboki. 
Le désarmement et la gestion des stocks d’armes sont également entravés par la progression de la demande d’armes en rapport avec le M23 : sur le marché des armes légères, les prix ont été multipliés par quatre.

L’application des directives du Gouvernement congolais enjoignant aux exportateurs de minerai d’exercer leur devoir de diligence conformément aux lignes directrices de l’ONU et de l’Organisation de coopération et de développement économiques a quasiment mis un terme aux exportations d’étain, de tantale et de tungstène en provenance de l’est de la RDC; seules les exportations en provenance du nord du Katanga, où l’origine des minerais est certifiée depuis 2011, se poursuivent.

La contrebande vers le Rwanda et le Burundi est en progression. La crédibilité du système rwandais de certification des minerais est menacée par le blanchiment de produits miniers congolais, les certificats d’origine étant couramment vendus par les coopératives minières. Plusieurs négociants ont financé le M23 au moyen des bénéfices qu’ils tirent de la contrebande de minerais d’origine congolaise au Rwanda. Alors que la production de minerai d’étain a régressé dans les Kivus, celle de minerai de tantale et de tungstène se poursuit malgré la certification exigée par la communauté internationale, ces deux produits étant plus faciles à exporter en contrebande. Les exportations rwandaises de tantale et de tungstène ont donc progressé d’autant en 2012, tandis que celles d’étain ont reculé.

La baisse des cours et le recul de la production ont eu, dans certains bassins miniers, des incidences préjudiciables sur le plan socioéconomique. Toutefois, de nouveaux débouchés sont apparus là où ces bassins se sont adaptés à d’autres secteurs de l’économie. La sécurité s’est améliorée dans la plupart des grands bassins d’extraction de l’étain et du tantale, de sorte que le financement des conflits s’y est amenuisé, et la surveillance ainsi que les contrôles exercés par les autorités civiles et les organisations non gouvernementales s’y sont approfondis.

Les groupes armés, les réseaux criminels des forces armées congolaises et les mineurs se déplacent aisément vers les bassins aurifères, où le devoir de diligence n’a pas eu d’incidences sur les échanges. Le minerai d’or extrait dans l’Est de la RDC est en quasi-totalité exporté en contrebande; quelques grands négociants de Kampala et de Bujumbura en réexportent ainsi plusieurs tonnes par an, qui représentent des centaines de millions de dollars des États-Unis. La plus grande partie de l’or d’origine congolaise qui se retrouve dans les Émirats arabes unis est fondu et revendu à des bijoutiers. Le gel des avoirs imposé par le Conseil de sécurité n’a en rien entravé les opérations de l’ancien propriétaire de l’entreprise Machanga Ltd.; en effet, bien que visé par les sanctions, il continue d’exporter sa marchandise par le biais de sociétés-écrans, et à transférer d’importantes sommes d’argent à ses fournisseurs en RDC.


L'intégralité de ce rapport peut être trouvé sur le site internet du Conseil de sécurité : http://www.un.org/sc 

jeudi 22 novembre 2012

Le M23 progresse, les congolais crient leur colère, et...Joseph Kabila jubile !

De gauche  à droite : Paul Kagame, Yoweri Museveni et Joseph Kabila. (Photo : Droits tiers).
Cette photo circule sur Internet depuis mercredi soir (le 21 novembre 2012). Elle a été prise à Kampala, lors de la conférence de presse donnée par les trois présients pour clore leur mini-sommet extraordinaire, convoqué pour statuer en urgence sur l'évolution de la situation à l'Est de la RDC après la prise de Goma par le M23.

Dites-moi : Joseph Kabila que vous voyez a-t-il l'air d'un Chef d'Etat dont le pays serait agressé par ses deux homologues assis juste à ses côtés ? Vous a-t-il l'air d'un Président d'une République dont le territoire est entrain d'être occupé par "une armée étrangère" comme on l'entend dans sa bouche et celle de ses ministres ?

Au moment même où il donnait cette conférence, quelques congolais étaient entrain d'être tués par ceux qu'il présente comme étant les hommes de ses collègues assis là, à sa droite. Des militaires FARDC (une centaine) blessés dans les combats de mardi à Goma et abandonnés à l'hôpital militaire de cette ville étaient entrain de se vider de leur sang, faute de soins appropriés. D'autres, tués, jonchaient encore les rues innondées de la route de Sake.

Peut-être que j'exagère; peut-être qu'on venait de lui montrer des images drôles, comme celles des cent mille déplacés de Mugunga entrain de se couvrir la tête avec de l'herbe sauvage pour atténuer l'effet de l'orage qui s'abattait ce soir-là sur la contrée... Comme alors celles des militaires FARDC s'écrulant de faim et de désydratation dans les collines de Minova où ils se sont retranchés "stratégiquement"... Non, sérieusement, quel est ce président qui aime son pays, qui donnerait à son peuple un tel spectacle ?

Alors que la RDC est endeuillée par les événements, son soi-disant "premier citoyen" se délecte de plaisir, sous le regard complice de ses propres agresseurs prétendus. Or, Joseph Kabila a toujours apparu comme un homme froid, peu bavard et discret. Il rit rarement, et on peut en déduire que s'il rit, c'est qu'il y a de quoi... Eh bien, il y a des signes qui ne trompent pas. Félicitations, Monsieur le Président !

mercredi 21 novembre 2012

RDC : l'heure a-t-elle sonné pour Joseph Kabila ?


La chute mardi 20 novmbre 2012 de la ville de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, entre les mains des rebelles du M23, a provoqué des mouvements spontanés de révolte et des manifestations violantes dans toute la République. Kinshasa, Kisangani, Bunia, Lubumbashi, ou encore Bukavu : partout la colère du peuple s'est déversée sur le régime de Joseph Kabila et tout ce qui s'y apparente ou le symbolise, sans épargner une "communauté internationale" jugée à juste titre de complaisante et d'hypocrite dans les événements de l'Est de la RDC.

Ce mercredi, alors que la cité de Sake, 30km au sud de Goma, est aussi tombée entre les mains de ceux que le gouvernement de Kabila jugeait hier de "simples indisciplinés", les congolais n'en démordent pas. Nombreux sont ceux qui tiennent Joseph Kabila pour responsable de ce qui arrive (et qui était hélas prévisible !). Et ils ont raaison. C'est lui qui, depuis près de douze ans qu'il est au pouvoir, n'a pas réussi (ou voulu) à organiser une armée digne de ce nom; c'est lui qui a renforcé le système de prédation des ressources de la RDC, la mafia et la corruption, alors qu'il ne cesse de prétendre les combattre (en seulement une décennie, il aurait accumulé plus que ce que Mobutu a accumulé en trois décennies); c'est encore lui qui a fraudé les dernières élections; qui a instauré un régime d'oppression et de terreur, ...

Les FARDC ont été blâmées, voire humiliées, accusées de n'être pas capables de combattre quelques contre quelques centaines de mutins. Mais, même si l'on mettait de côté les prétentions selon lesquelles les FARDC seraient infiltrées par des fidèles du M23, quelle est cette armée qui, au XXIème siècle, peut mener une guerre sans munitions, sans moyens de communication, sans moyens de transport, et le comble, sans que les soldats soient suffisamment nourris ? Je ne parle pas de leurs familles... Et un président, un gouvernement qui ne fait que crier à l'agression, à des complots, etc., comme si lorsqu'un Etat est agressé il lui est interdit de se défendre ! Un président, un gouvernemnt qui courent dans tous les sens pour trouver des bienfaiteurs qui viendraient résoudre tous les problèmes.

On pourrait même aller plus loin et regarder les causes profondes de ces conflits à répétion dans l'Est : les tensions ethniques, la mauvaise gouvernance et le lot de mécontentements et d'injustices qu'elle génère, la corruption, l'absence ou l'extrême faiblesse de l'autorité, l'impunité délibérée des criminels (comme Bosco Ntaganda), les raccourcis dans la "gestion des conflits armés" comme l'intégration des rebelles, ... Qui pouvait arrêter ou empêcher tout ça ?

Entre changer un régime et abattre un système : le peuple doit choisir !

A quoi pense-t-il ? J'aimerais pouvoir deviner...
Les congolais qui  expriment dans les rues leur colère ont amplement raison de désigner Joseph Kabila et son gouvernement d'irresponsables. Mais ce serait une erreur que de s'arrêter là. Les coupables sont beaucoup plus nombreux que cela. L'opposition politique a-t-elle jamais formulé des alternatives concrètes et réalistes à la résolution de la crise de l'Est ? Il me semble que ses soi-disant leaders sont juste des opportunistes, aptes à accuser, mais qui n'ont d'autre souci que de remplacer la "majorité" pour traire à leur tout la vache-à-lait qu'est devenue la République Démocratique du Congo. D'autres font du bruit juste pour avoir leur "droit au chapitre", toucher leur part sur la manne de la prédation qu'ils font semblant de décrier.

Et puis il y a la société civile, atteinte elle aussi par le cancer de la main tendue, l'égoïsme, et la loquacité. Elle danse sur tous les pieds, accuse sans jamais rien proposer en échange, se laisse emporter par le sentimentalisme et le fanatisme, s'engage dans le populisme, court de manière éfrenée derrière les financement, ... Comme elle, la magistrature a vendu ses lettres de noblesse (même la Cour Suprême de Justice, la Haute Cour militaire !). Des parlementaires sans loi, sans foi ni scrupule qui n'ont d'autre âme que leur poche; des officiers obnubilés par les affaires, parfois incultes et analphabètes; etc.

Je disais que les congolais qui manifestent leur colère auraient tort d'en vouloir au seul Kabila, car il pourrait tomber, sans que ne s'effondre le système dont il n'est que le plus parfait et le plus visible des symboles. Un système corrompu jusqu'à la moelle, qui a élu le vice, dans son expression la plus accomplie, au rang de la vertu. Il faut que ce système s'effondre, et que renaisse un nouveau Congo, un Congo neuf, innocent, mais friand de sa grndeur, de son honneur, et de la prospérité de ses filles et fils.

Ainsi, le peuple pourra donner un sens, le sien, aux événements de l'Est de la RDC. Ainsi, le peuple cesserait d'être la victime silencieuse, presque consentente, de la bassesse et de l'insouciance de ses dirigeeants. L'occupation de Goma et d'autres parties du Nord-Kivu aurait alors le mérité d'impulser ce changement que les Congolais attendaient de tous leurs voeux, et le sang des congolais tombés vaillamment sur les champs de bataille n'aurait pas été versé pour rien. Enfin, le peuple prouverait à la face du monde qu'il n'est pas aussi amorphe et démissionnaire qu'on le croit, et qu'il n'a pas encore renconcé à son honneur et à ses reves.

Je crois au fond de moi que tant que Joseph Kabila sera à la tête de la RDC, la situation de l'Est, et plus généralement la situation des Congolais ne fera que s'empirer. Le M23 peut mourir demain, comme ses prédécesseurs CNDP, RCD, AFDL, ... mais après-demain qu'adviendra-t-il ? Le système qui fait tourner la roue des malheurs des Congolais doit s'effondrer, et un gouvernement responsable faire le ménage avant de commencer la vraise reconstruction nationale. Encore faut-il trouver des hommes et des femmes capables d'être cette alternative. Je crois fermement qu'ils existent, mais à cela, je m'apaisentirai une autre fois...


 

Goma : la chasse à l'homme a commencé !

Goma, un comùbattant M23, mitrailleuse à l'épaule
Décidément, le M23 ne se donne pas le moindre répit. A peine 24 heures après la chute de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, la chasse à l'homme semble avoir commencé. Ceux qui ont, à un moment ou à un autre, pris position contre le M23 et ses visées, sont dans la ligne de mire : militants des droits de l'homme, activistes engagés dans la dénonciation de l'impunité de Bosco Ntaganda et d'autres criminels de son acabit, jeunes engagés dans la dénonciation de la guerre, journalistes...la liste est longue.

Depuis vendredi dernier, alors que les combats fesaient rage autour de Kibumba, des menaces proférées par téléphone et sur Internet avaient commencé la bataille psychologique. Certains ont su lire les signes du temps et ont quitté la ville avant sa chute. Mais d'autres, plus nombreux, ont été soit assez téméraires, soit assez naïfs, soit alors trop négligeants pour se sauver. Aujourd'hui, ils vivent la peur au ventre, cachés chez des amis ou chez des proches, pour échapper aux chasseurs d'hommes qui contrôlent désormais la ville.

Un char de la Monusco "en patrouille" le long du lac Kivu
La MONUSCO - désolé de citer le nom de ce gros éléphant de porcelaine - a elle-même annoncé  hier mardi qu'elle avait enregistré des cas d'enlèvements, de viols et d'extorsions commis par les rebelles du M23 en pleine ville de Goma. Ces informations restent à vérifier, mais une chose est évidente : le M23 a beaucoup d'ennemis à Goma, et le risque qu'il leur règle leur compte est important. Ses exactions dans la partie du territoire de Rutshuru occupée depuis le mois d'avril sont connues de tous. Goma, siège des ordinaires des institutions provinciales, des organismes des Nations-Unies, des organisations non gouvernementales nationales et internationales; Goma, avec ses universités, ses étudiants, ses militants, ses intellectuels, ... C'est un potentiel énorme de personnes exposées à des représailles, d'autant plus que nombreux sont ceux qui n'ont pas pu s'enfuir à temps. Les bateaux ne circulaient plus sur le lac depuis vendredi (hormis les canons rapides, pris d'assaut par les "puissants" politiciens, hommes d'affaires, et leurs familles); se rendre à Gisenyi voisin était tout simplement inenvisageable pour beaucoup, et la route de Sake était, ce mardi, devenue impraticable à cause de l'attaque lancée par le M23 depuis le quartier Ndosho.

La Monusco avait clamé haut et fort qu'elle ne laisserait pas Goma tomber entre les mains des rebelles. Elle se moque de nous encore aujourd'hui en prétendant contrôler l'aéroport de Goma (comme si c'était cela son mandat !) et faire des patrouilles dans tout Goma (pour compter les morts et les blessés ?). Il est temps qu'elle s'occupe en particulier de protéger ces centaines de citoyens engagés qui, plus que les autres, risquent leurs vies. Parmi eux il y a aussi des magistrats (quoique l'on dise d'eux, car les prisonniers de Munzenze ont tous été libérés), les avocats, les députés (Dieu sait que je leur en veux, eux aussi, mais ils ne mériteraient pas que ce soit un Bosco Ntaganda ou un Makenga qui les juge). La base de la Monusco, où est retranché son personnel civil, doit leur être ouverte. Mais évidemment, il faut que la sécurité de tous les habitants de Goma soit assurée, et que le M23 s'engage solennellement ne commettre aucun acte arbitraire ou attentatoire à la liberté et aux droits des personnes, le temps qu'il passera à Goma (temps que j'espère court).

dimanche 18 novembre 2012

Goma assiégée. La situation humanitaire est très inquiétante

Des déplacés en marche de Kanyaruchinya vers Mugunga. Photo Magloire Paluku
Les combats entre les Forces armées de la République Démocratique du Congo et les troupes du M23 vraisemblablement soutenues par le Rwanda se poursuivent ce dimanche aux environs de Goma, après avoir repris hier samedi.

Les hélicoptères des FARDC et de la Monusco qui ont ont effectué des pilonnages aux environs de Kibumba toute la journée ne sont pas parvenues à arrêter le M23. Jusqu'à hier soir, les positions des FARDC étaient localisées à Kilimanyoka, à une dizaine de kilomètres seulement de l'aéroport de Goma. Nous apprenons ce matin que les combats continuent de faire rage autour de Kilimanyoka, mais en se rapprochant davantage de Goma. Si bien que le camp des déplacés de Kanyaruchinya s'est vidé ce matin de sa population. Celle-ci se dirige, à la diligence des autorités de Goma, vers l'ancien camp des réfugiés rwandais de Mugunga, au nord-ouest de Goma, au pied du flanc ouest du volcan Nyiragongo. Le camp de Kanyaruchinya abritait plus de 100 000 personnes.

A Goma, la peur est perceptible. La population suit la situation avec préoccupation, dans un semblant de sérénité. Les gens se demandent ce qui va se passer. Personne ne se fait d'illusion sur la capacité de la Monusco, qui a déployé ses tanks dans toute la ville et ses environs, à les protéger si le M23 continue sa progression. L'usage des hélicoptères par la Monusco dénote dénote de sa volonté délibérée de ne pas exposer la vie des ses soldats. Or, Dieu sait que sans des troupes engagées sur le sol, il est impossible d'être efficace dans ces conditions. Les auto-blindés de la Monusco sont positionnés autour de l'aéroport de Goma n'offrent aucune assurance. Les FARDC sont, elles, invisibles, si ce ne sont des pick-up qui roulent à toute allure. Aucune position particulière autour de la ville ou dans les coins stratégiques.

Goma a une population qui oscille autour d'un million d'âmes. Personne n'est dupe, les FARDC ne rassurent pas. Ce matin, des auto-blindés d'armée congolaise ont été vus entrain de quitter en trombe le front. Il faut que la communauté internationale pèse de tout son poids, et maintenant, pour que Goma soit épargnée.

Ceux qui se font appeler des humanitaires doivent faire preuve de leur humanité dans cette situation. Nombreux sont ceux, parmi eux, qui ont commencé à quitter Goma depuis hier, au point même de paniquer la population. Le personnel civil de la Monusco a aussi commencé son évacuation. Je ne néglige pas leur droit à se protéger et à ne pas prendre des risques inconsidérés, mais je pense que les vrais humanitaires sont ceux qui, en de tels moments, peuvent rester aux côtés de la population pour lui apporter assistance dans toute la mesure du possible, plutôt que de l'abandonner.

Que ceux qui lisent ce message puissent le relayer le plus possible. Nous avons plus que jamais besoin de l'action de tout le monde : individus, organisations non gouvernementales, Etats puissants. Faites en sorte d'arrêter cette guerre ! Le gouvernement semble impuissant, faites quelque chose, le reste viendra après.

Des déplacés sur la route de Kibumba, sous le regard des Casques bleus
Si Goma est attaquée, on n'a pas beaucoup d'issues, parce qu'on est cernés par le lac Kivu, les assaillants au Nord, le Rwanda (redouté par beaucoup). Il ne reste plus que l'axe Sud, vers Bukavu, le long du lac Kivu, car Masisi est aussi en situation d'insécurité. Sauf que la route de Bukavu est trop étroite et trop dangereuse.

L'ONU est incapable de nous protéger ? Elle tient plus à la vie de ses soldats qu'à la nôtre !!!


vendredi 16 novembre 2012

Nord-Kivu : de nouveaux affrontements entre les FARDC et le M23 près de Goma



Une colonne des militaires FARDC. Photo Internet

D’importants affrontements ont opposé toute la journée de mercredi 15 novembre 2012, à Kibumba, près de Goma, l’armée congolaise et la rébellion (ou mutinerie, ou insurrection, ou agression, ou tout cela à la fois…) du M23. Les deux parties, qui observaient presque scrupuleusement une trêve de facto depuis plus ou moins trois mois, se rejettent mutuellement l’initiative de l’offensive. 

Dans un communiqué publié sur son site Internet, le M23 affirme, par la voix de son « président » Bishop Rugenera, que les FARDC « alliés aux Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda » (les rebelles Hutu rwandais) ont attaqué leurs positions jeudi à partir de 7 heures du matin. Pour sa part, le porte-parole des FARDC a soutenu que c’est le M23 qui est passé à l’offensive vers 8 heures, et que l’armée gouvernementale a été obligée de se défendre. 

L’habituelle (et cynique) guerre des chiffres…

Un des dizaines de corps de militaires M23 (Rwandais?) tués. Photo Radio Kivu 1
Le bilan de ces affrontements, qui se sont déroulés à seulement une trentaine de kilomètres de Goma, dans la bourgade de Kibumba, est aussi controversé. Côté gouvernement, on parle de plus d’une centaine de tués dans les rangs des rebelles, parmi lesquels il y aurait eu plusieurs militaires de l’armée rwandaise, la Rwanda Defense Force. Dans une conférence de presse tenue à Kinshasa jeudi dans la journée, le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, est allé jusqu’à affirmer que les FARDC combattaient directement contre l’armée rwandaise, et que les éléments du M23 ne sont « que des mercenaires ». De son côté, le M23, par la bouche de son porte-parole militaire, le Colonel Vianney Kazarama, a avancé un bilan de plusieurs tués dans les rangs des FARDC « et de leurs alliés FDLR », sans donner de chiffre. Mais selon plusieurs témoignages de la population et des journalistes qui se sont rendus sur place jeudi et vendredi, les pertes auraient été très lourdes côté M23 (ou côté rwandais, selon certains). 113, 127, aucun chiffre précis n’est donné. Certains corps qui se trouvaient tout près de la frontière auraient été enlevés par les rwandais, au vu de tout le monde. Informations difficiles à vérifier ! 

Un autre tué. Ils seraient plusieurs dizaines... Photo Radio Kivu 1
Des journalistes qui se sont rendus sur place à Kibumba ce vendredi ont rapporté des photos et des vidéos où on voit des dizaines de cadavres gisant dans la brousse, et vêtues de la tenue militaire de l’armée rwandaise. Difficile toutefois d’établir s’il s’agit réellement d’éléments rwandais ou d’éléments congolais du M23. 

Quoiqu’il en soit, il n’est pas anodin que des combattants du M23 portent l’uniforme militaire de l’armée rwandaise. Il faut signaler que le lieu où se sont déroulés les combats c’est exactement sur la frontière avec le Rwanda, si bien que des obus seraient même tombés sur le sol rwandais et causé des blessés, situation qui a été dénoncée par le gouvernement rwandais dans un communiqué. Qui plus est, dans la matinée de jeudi, plusieurs habitants de Kibumba et des villages environnants, à la frontière avec le Rwanda, ont affirmé avoir vu plusieurs militaires rwandais passer la frontière dans la nuit depuis quelques jours jusque dans la nuit de mercredi à jeudi. Témoignages relayés bien sûr par l’armée congolaise, dont le porte-parole a affirmé notamment : « compte tenu de l’endroit où se trouve le village de Gasiza (près de Kibumba, ndlr), il est impossible que l’on attaque nos positions sans passer par le Rwanda ».

Dans la nuit de ce jeudi, les combats se sont arrêtés, et chaque partie a repris plus ou moins ses positions initiales. Ils auront provoqué, en plus de la centaine de tués parmi les combattants et sans doute d’autres morts et blessés parmi la population civile, plusieurs milliers de nouveaux déplacés, dont plus de deux mille sont allés au Rwanda, d’autres rejoignant le camp de Kanyaruchinya près de Goma.

Qui s’est allié à qui ? 

Si la RDC accuse le Rwanda d’avoir pris directement part à ces combats, de son côté le M23 affirme que les FARDC étaient mélangés aux FDLR. C’est de bonne guerre, car dans un cas comme dans l’autre, ces accusations ne sont pas une nouveauté. Le M23 et son indéniable allié rwandais mettent toujours le « condiment » FDLR dans leur recette propagandiste pour embarrasser, à tort ou à raison, le gouvernement congolais. Ce dernier, d’autre part, n’a pas eu de cesse à présenter le Rwanda comme le véritable maître de cette guerre, bien que plusieurs fois il a prouvé à la face des congolais et du monde que le Rwanda n’était pas tant que cela son ennemi (suivez mon regard…). 

Janvier Karairi et son APCLS derrière l’exploit des FARDC ? 

Par ailleurs, certaines indiscrétions indiquent que les FARDC se seraient appuyés, pour mener cette offensive (ou défensive, selon le camp), sur des éléments du groupe armé Maï-Maï dénommé APCLS (Armée des Patriotes pour un Congo Libre et Souverain), dont le leader s’appelle Janvier Karairi. Ce seraient ses éléments, placés sous le commandement d’un officier des FARDC, qui auraient mené la bataille de Kibumba contre le M23. Ce groupe, établi dans le territoire de Masisi et d’obédience Hunde (l’une des tribus de Masisi, engagée dans un conflit chronique contre les « arrivants » Hutu et Tutsi), a récemment été approchée par le gouvernement pour intégrer les FARDC, avec justement l’intention alléguée de « contribuer à battre le M23 ».

Par le passé, et selon certains rapports, l’APCLS avait travaillé de connivence avec les FADLR dans des combats contre l’armée gouvernementale, notamment pour l’exploitation illicite de minerais. Alors, la bataille de Kibumba constitue-t-elle un essai pour mesurer la force de frappe de ces combattants Maï-Maï, avant un assaut ultime contre le M23 ? Si l’implication de l’APCLS s’avérait vraie, elle renforcerait l’hypothèse d’une offensive initiée par la partie gouvernementale. 

Fin de la trêve, ou simple « échauffement » ? 

Si le bilan de la bataille de Kibumba en faveur de l’armée congolaise se confirme, ce serait pour cette dernière un exploit inédit. Un exploit qui serait encore plus significatif si se confirmaient les allégations selon lesquelles la redoutable Rwanda Defense Force est intervenue et a été défaite. Mais jusqu’où peuvent aller les FARDC, si elles ne peuvent même pas oser revendiquer l’initiative de l’offensive ? Peut-être est-ce pour ne pas apparaître comme la contrevenante au soi-disant processus régional en cours, et du coup s’attirer les foudres de ceux qui privilégient la voie diplomatique et politique ! Et si les FARDC avaient décidé de rompre la trêve, que va-t-il se passer ? Sont-elles à mesure de mener jusqu’au bout la guerre contre le M23 (et le Rwanda !) et de reprendre la partie occupée de Rutshuru ? Est-ce une brève épreuve de force que les deux parties ont voulu s’offrir, après trois mois d’oisiveté ? Est-ce enfin une tentative du M23 de bousculer le gouvernement afin qu’il accepte de négocier « directement » avec lui ? Certains ont vu là « un signe de désespoir » du M23, après la fermeture il y a quelques jours, par l’Ouganda, de la frontière de Bunagana, qui lui procurait de précieuses ressources financières.  Rien n’est sûr.

Ce qui est sûr, par contre, c’est que la population du Nord-Kivu, et en particulier celle de Rutshuru, en a assez de cette situation. Le gouvernement parle d’une guerre qu’il ne veut ou ne peut mener. Elle en a assez d’un gouvernement qui accuse à longueur des journées le Rwanda d’être son agresseur, mais qui en même temps se refusent à prendre à son égard toute mesure, même symbolique, comme la rupture des relations diplomatiques. Finalement, la population ne connaît pas le vrai fossoyeur de sa paix et sa tranquillité, entre son propre gouvernement, les insurgés de sa propre armée, et les pays voisins.   
 

jeudi 15 novembre 2012

GOMA : Les jeunes exigent l'interpellation du gouverneur Julien Paluku Kahongya par les députés pronvinciaux !


Les jeunes révoltés de Goma, ceux-là du mouvement qui s'est donné pour slogan "INATOSHA !", ont encore fait mené une action. Ce jeudi 15 novembre 2012, ils sont allés déposer une lettre ouverte au bureau de l'assemblée provinciale du Nord-Kivu, à l'hôtel Fleur de Lys (un nom révélateur de l'opulence dans laquelle vivent nos "représentants" ?). Par la suite, ils sont allés trouver les députés à l'hôtel Ihusi où ils suivaient un séminaire atelier sur le "recadrage budgétaire" et, en plein déjeuner, ils ont remis à chaque député individuellement une copie de la même lettre. 

Entre le bureau administratif du législatif provincial et l'hôtel Ihusi, ils ont fait une "ballade" (marche, dans leur jargon) au cours de laquelle ils ont distribué des lettres à la population et porté des messages accrochés sur leur poitrine, pour interpeller et dénoncer la situation des routes à Goma, mais aussi à Beni, Butembo, et dans toute la province du Nord-Kivu. On pouvait y lire, par exeple : 

GOMA : 20 MOIS QUE NOUS VIVONS COMME DES ANIMAUX DANS LA POUSSIÈRE, LA BOUE, LES SECOUSSES

CA SUFFIT !

LE SILENCE DE NOS DÉPUTÉS ÉQUIVAUT A LA COMPLICITÉ…

L’ASSEMBLEE PROVINCIALE DOIT SORTIR DE SON LAXISME.

 VOUS AVEZ UNE SEMAINE POUR INTERPELLER LE GOUVERNEMENT PROVINCIAL !

Ils donnent aux députés provinciaux une semaine pour interpeller le gouverneur ("en personne", soulignent-ils), à défaut de quoi ils vont "prendre acte de la démission de leurs députés, et mener eux-même des actions pour interpeller le gouverneur jusqu'à obtenir satisfaction".

Ci-après leur lettre ouverte, écrite en des termes clairs et forts, sans détours ni demi-mots. 
Tout esprit patriote et courageux devrait leur emboîter le pas !


Lettre ouverte à Monsieur le Président de l’Assemblée provinciale et à l’ensemble des députés provinciaux du Nord-Kivu sur l’état des routes d’intérêt provincial et local, et celui des voiries urbaines de Goma, Beni et Butembo


Mesdames et Messieurs les députés,  

Il y a plus de cinq ans, lorsque, à la faveur de l’avènement d’un nouvel ordre politique dans notre pays, la population qui vous a élus a assisté à votre installation effective, immense a été l’espoir et la confiance qu’elle a placé en votre vous. Elle s’est réjouie d’avoir enfin des « représentants » permanents et attentifs, qui allaient enfin porter ses problèmes et œuvrer à ce qu’il y soit trouvé des solutions. 

Vous connaissez l’état des routes de « votre » province, sans doute : de Masisi à Lubero ; de Goma à Beni ; de Nyiragongo à Walikale ; rien ou presque n’a été fait depuis que vous êtes là à « représenter le peuple » au sein de l’organe délibérant. Or, vous êtes sans ignorer l’intérêt que représentent les infrastructures routières partout, tant pour la facilitation des relations entre les personnes et les communautés, que pour les échanges commerciaux, la sécurité, la préservation de l’environnement, etc. Cela vaut plus particulièrement pour le Nord-Kivu qui est une province agro-pastorale et touristique par excellence, mais aussi une province dont la plupart de régions productrices sont enclavées. 

Dans ce chaos, l’état des routes de la ville de Goma est particulièrement parlant. Début 2011, le gouverneur de province lance en grande pompe des travaux dits de modernisation de la voirie urbaine de Goma. Ils sont censés durer douze mois, et sont confiés à une entreprise dénommée TRAMINCO. Dans un petit laps de temps, près de 11 kilomètres de routes – celles constituant les principales artères de la ville – sont complètement rasés. La population jubile à l’idée que le mince et vieillissant goudron hérité des années Mobutu va enfin céder la place à des routes plus larges, plus solides, plus belles, avec éclairage et canalisations d’eau des pluies, … Mais les mois passent, et l’euphorie de la population se noie peu à peu dans la poussière et la boue qui deviennent son lot quotidien. A la date prévue pour l’inauguration de la première étape des travaux (10,5km), au mois de février 2012, à peine 1 kilomètre a été asphalté, abstraction faite de sa qualité et de ses accessoires. La campagne électorale était passée par là…

La situation des routes de Beni et de Butembo est quasiment similaire. Ne parlons même pas des cités, des villages, des routes de desserte agricole dans le Masisi, le Lubero, le Rutshuru ; toutes ces routes d’intérêt provincial et local dont la construction, la réhabilitation et l’entretien sont pourtant de l’attribution exclusive du pouvoir provincial, aux termes de l’article 204 de la constitution de la République. Les routes nationales qui passent par le Nord-Kivu ne sont guère mieux servies. De dégradation en dégradation, certaines sont devenues méconnaissables, et constituent un véritable goulot d’étranglement de l’économie de la province, dont les conséquences atteignent aussi bien les producteurs agricoles, les commerçants, les transporteurs, que les voyageurs ordinaires. Il est aujourd’hui impossible ou extrêmement rude d’atteindre certains coins de la province sans prendre l’avion, mais à quel coût, à quels risques ! 

Pour ce qui concerne la voirie de Goma, le gouverneur de province est intervenu il y a quelques jours, sur la pression des opérateurs du secteur pétrolier, pour annoncer un certain nombre de « mesures » qu’il aurait prises pour poursuivre les travaux. Nous vous disons tout de suite que nous n’accordons aucun crédit à ces « mesures », pour les raisons essentielles ci-après résumées : 

-          Des mesures illégales : « Le financement des opérations de construction et de réhabilitation des routes est exclu du champ d’intervention du FONER » (confer article 4 du Décret n°08.27 de décembre 2008 portant création et statuts d’un établissement public dénommé Fonds National d’Entretien Routier). Il est vrai qu’au Nord-Kivu, le FONER, depuis sa création, perçoit beaucoup de fonds mais ne s’acquitte pas comme il le faut de sa mission d’entretien des routes. Mais doit-on pour autant détourner sa mission légale et s’en vanter ? N’est-ce pas vouloir se dédouaner de ses responsabilités en trouvant un coupable trop facile ?  

-          Des mesures floues : Le gouverneur a annoncé qu’il s’était fait remettre une certaine somme par les responsables du Fonds d’Entretien Routier (FONER en sigle), et qu’il allait désormais « retenir 40% des recettes du FONER » pour financer la réhabilitation des routes. Au nom de quelle loi, de quels pouvoirs ? Que va devenir l’entretien des routes de desserte agricole qui est tant bien que mal financé par le FONER ? Comment cet argent est-il utilisé par la province ? Comment la province va-t-elle donner des fonds à une entreprise (la TRAMINCO) dont elle dit ne pas maîtriser le contrat la liant au gouvernement central ? Etc. ;

-          Des mesures d’auto-disculpation : la voirie urbaine et les routes d’intérêt provincial et local sont de la compétence exclusive de la province (cf. art. 204 literas 11 et 24 de la constitution). Le gouverneur ne tente-t-il pas de cacher la responsabilité de son propre gouvernement en essayant de mettre l’échec du projet de réhabilitation de la voirie de Goma sur le dos du FONER ? 

-          Des mesures imprécises : A quand des routes viables dans la ville de Goma ? Quelle est la quantité et la qualité de la route qu’on construit ? Quel est le coût total, pour combien de kilomètres en tout ? De quelle expertise et quelles capacités matérielles et financières dispose la TRAMINCO ?  
  
Mesdames et Messieurs les députés,

Qu’avez-vous fait depuis cinq ans ? Vous êtes devant vos responsabilités, et la population que nous sommes voit tout, compte tout. Votre silence est sans plus ni moins un signe de complicité ou, pire, d’insouciance, donc de trahison de ces milliers de vos compatriotes qui ont placé en vous leur confiance. 

Mais puisqu’il vaut mieux tard que jamais ; puisque le peuple est patient et sait pardonner (sinon vous ne seriez plus là !), vous pouvez vous racheter… Mais l’occasion est unique : c’est celle-ci. 

Nous vous demandons, toutes affaires cessantes, d’adresser ce problème afin que nous soyons édifiés. Les discours, c’est trop facile, et Dieu sait que vous êtes, comme d’autres politiciens, surdoués en la matière. Nous voulons des actes, des chiffres, des dates, et, le plus rapidement possible, des réalisations matérielles concrètes. Nous n’attendons pas de vous que vous vous substituiez à l’Exécutif provincial ou national, mais que vous soyez exigeants, impitoyables, et que vous alliez jusqu’au bout de vos actions, en usant sans ménagement de tous les moyens d’action que vous reconnaissent la constitution et les lois de la République. 

Si vous aimez ce pays comme vous le prétendez ; si la population qui vous adresse cette lettre vaut quelque chose pour vous ; si enfin de compte vous êtes les « représentants » du peuple que nous sommes, vous allez faire ce que nous vous demandons. Vous allez mettre de côté vos petits intérêts égoïstes ou partisans, oublier un temps vos amitiés avec les fossoyeurs du peuple, et agir énergiquement, sans complaisance. 

Mesdames et Messieurs les députés, 

Nous qui vous adressons la présente, sommes des jeunes congolais sans couleur ni obédience politique aucune. Nous n’avons en commun que notre passion pour la RDC, notre chère patrie, notre révolte vis-à-vis des conditions dans lesquelles nous vivons malgré nous, notre conviction qu’il n’y a pas de fatalité en cela, et notre détermination à lutter de manière citoyenne, dans la non-violence, pour que les choses changent. Nos actions ne visent pas des personnes, mais des actes, des attitudes, des comportements, comme ceux qui causent les guerres et les conflits dont nous sommes directement ou indirectement victimes, la corruption, la mauvaise gouvernance, l’injustice sous toutes ses formes, le chômage, … Bref, l’irresponsabilité des uns, l’inaction ou l’insouciance des autres. La constitution nous reconnaît ce droit. Nous n’avons pas à être une association formelle pour exercer le droit de vous interpeller, de faire une pétition, ou de manifester notre révolte.  

A ce titre, et concernant l’état des routes dans notre province et des voiries des villes de Goma, Beni et Butembo, nous nous adressons à vous, en votre qualité de « représentants du peuple », pour que vous usiez de vos prérogatives pour soulager notre indescriptible souffrance qui est aussi celle de millions de Nord-Kivutiens silencieux ou résignés.

Nous vous demandons donc instamment de prendre vos responsabilités et d’inviter le gouverneur de province en personne pour qu’il vienne répondre à nos préoccupations ci-après résumées. Le gouverneur de province doit : 

1.      JUSTIFIER :

-          L’utilisation, entre 2009 et 2010, des fonds de la province pour la construction fantaisiste du tronçon de la voirie de Goma allant du rond-point Signers à la place dite Tora, marché de Virunga-Signers-place dite Mvano. Ici, il doit notamment dire combien d’argent a été dépensé dans ce projet, la procédure d’attribution de marché qui avait été suivie, la quantité et la qualité des travaux qui étaient prévus. Il doit situer les responsabilités, dire qui a été sanctionné et comment ;  

2.      EXPLIQUER : 

-          Comment la voirie de Goma qui a été détruite à son instigation et les travaux qui ont été commencés début 2011 ne sont pas encore achevés jusqu’à ce jour, dix mois après la date indiquée sur les panneaux pour leur achèvement ;  

-          La procédure qui a été suivie pour l’attribution du marché à la TRAMINCO, pièces à l’appui, le montant de son contrat, la longueur et la qualité des travaux prévus, leur durée d’exécution, ainsi que les critères qu’il remplissait à cet effet. Il faut rappeler ici que le gouverneur ne peut en aucun se dérober de sa responsabilité en prétextant l’intervention du gouvernement central, car, comme nous l’avons souligné, la voirie urbaine rentre dans les attributions exclusives de la province (article 204, literas 11 et 24) ; 

-          L’opération qu’il a récemment annoncée sur les médias, consistant à récupérer des fonds du FONER pour les destiner à la réhabilitation de la voirie de Goma, alors qu’il sait pertinemment bien que cela est une violation de la loi ; que le FONER n’a pour mission que d’entretenir les routes (cf. article 4 du Décret de 2008 précité). Si le FONER se charge de construire ou réhabiliter les routes d’une seule ville (Goma, en l’occurrence) avec l’argent destiné à l’entretien des routes de la province, que vont-elles devenir ? Encore que le montant annoncé peut à peine financer la réhabilitation de 4km de routes. A quoi servent la constitution et les lois si les autorités comme lui agissent sans s’y référer, et les violent constamment, sans remords et sans que n’intervienne l’autorité de contrôle que vous êtes ?  
  
-          Comment peut-on construire 4km de routes en « trois ou quatre mois » ? Comment une entreprise sérieuse peut-elle entreprendre de réhabiliter des routes en pleine ville avec à peine trois machines, trois camions, et une dizaine d’ouvriers travaillant avec leurs mains nues ? 

-          Pourquoi ce sont des entreprises privées, et souvent étrangères, à qui la province doit toujours recourir pour effectuer des travaux de construction ou de réhabilitation des routes, alors que l’Office des routes et l’Office de Voirie et drainage existent et ont reçu par la loi cette mission.   

3.      FOURNIR : 

-          Un plan provincial complet et détaillé de réalisation de travaux d’infrastructures routières, établi sur un moyen terme, avec indication de tronçons concernés, des travaux à exécuter, un calendrier d’exécution, la provenance des ressources, etc. Ce plan devrait accorder une attention particulière aux villes de Goma, Butembo et Beni (voir article 204 literas 11, 24 et 29 de la constitution) ; 

-          Des gages sur la manière dont les routes de la province vont continuer à être entretenues ; 

-          Des gages suffisants sur le respect strict de la loi et des procédures en matière de travaux publics de construction/réhabilitation des routes, à la transparence dans la gestion des fonds, à la responsabilité des entrepreneurs, et à la punition des auteurs de détournements et de corruption. 

 Mesdames et Messieurs les députés, 

Au terme des explications du gouverneur devant votre assemblée, et des débats qui en découleront, nous voulons que vous preniez les mesures les plus énergiques et adaptées à la situation. Nous suggérons que vous procédiez par des moyens efficaces tels que l’interpellation ou la motion, conformément à la constitution et à votre Règlement d’ordre intérieur. S’il faut sanctionner tel ou tel autre membre du gouvernement provincial, faites-le sans complaisance. Surtout, nous ne voulons pas de discours vains, de promesses en l’air. Nous suivrons tout à la loupe et forgerons notre juste jugement.   

Si dans une semaine (c’est-à-dire le 22 novembre 2012), vous n’avez rien entrepris de sérieux et de crédible dans le sens d’adresser nos préoccupations ici exprimées, nous en déduirons votre démission de fait, et considérerons que nous n’avons pas de représentants valables, sensibles aux problèmes de la population, et soucieux d’y trouver des solutions. Nous avons assez attendu, nous n’avons plus le temps d’attendre pendant que la poussière, la boue et les secousses nous tuent à petit feu, et que nous sommes gérés comme des animaux sans conscience ni honneur. Vous avez donc le choix, entre démissionner de vos responsabilités en sacrifiant le peuple que vous êtes censés représenter, et agir pour une fois dans l’intérêt de ce dernier, avec rapidité et rigueur. Dans le premier cas, le peuple devra se passer de vous et s’adresser directement à qui de droit ; dans le second, il se retrouvera en vous et soutiendra vos initiatives et vos actions. 

En espérant que vous serez sensibles à nos préoccupations légitimes, et que vous y ferez ce que nous vous demandons, nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les députés, en notre esprit patriotique. 

Fait à Goma, le 14 novembre 2012
Les Soussignés (liste en annexe)