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samedi 23 juin 2012

RDC - RWANDA : Le premier pleurniche, le second ricane !

Je ne suis pas prophète. Pourtant, dès l'annonce de la création du M23 au mois d'avril dernier, j'ai écrit plusieurs billets sur ce blog où j'essayais de démontrer que le M23 et le CNDP étaient comme Jésus et Christ. La parade n'a pu tromper que les ignorants sur ce qui se passe dans la sous-région des grands-lacs, ou les naïfs, ou alors les aveugles et les sourds.

Tout le monde se rappelle qu'au commencement, le lien entre ce soi-disant nouveau mouvement et le général Bosco Ntaganda avait été nié, aussi bien par Monsieur Makenga Sultani - le pare-chocs du M23 - que par les officiels politiques du CNDP restés à Goma.

Aujourd'hui, il est établi que l'homme meneur du M23 n'est autre que Bosco Ntaganda. Aujourd'hui, le CNDP a clairement et publiquement annoncé son ralliement au M23 en se retirant des institutions publiques auxquelles il était associé depuis 2009. Aujourd'hui, les principaux leaders du CNDP vivent (en exile?) au Rwanda, ce n'est un secret pour personne.

Et aujourd'hui, les liens entre le Rwanda et le M23/CNDP sont de plus en plus évidents. Il y a quelques semaines, je n'aurais pas fait le pari d'affirmer que le Rwanda soutient le M23, tant on nous faisait croire que le Rwanda était du côté du gouvernement de la RDC et appuyait ses efforts pour rétablir la sécurité et mettre fin à ce qui à l'époque était présenté comme une simple mutinerie. Mais les liens entre d'une part ces mouvements depuis l'AFDL jusqu'au M23, en passant par le RCD, et le Rwanda d'autre part, sont si séculiers, si enracinés, que ce jeu de dupes ne pouvait pas durer longtemps. Human Rights Watch (les mots sont amères dans la bouche de Kigali !) a mis à nu et apporté la preuve, ou au moins les indices, que le Rwanda était lié au M23.

Si les choses s'étaient arrêtés là, les officiels rwandais auraient vilipendé cette organisation, comme ils en ont l'habitude, et aurait jeté le discrédit sur son rapport. Mais la Mission des Nations Unies pour la stabilisation du Congo a vite confirmé les informations données par HRW. Les FARDC ont elles-mêmes fait prisonniers plusieurs dizaines d'éléments rwandais qui combattaient aux côtés du M23, et dont les témoignages ont été largement diffusés.

Le gouvernement congolais a presque titubé devant cette situation. On aurait cru qu'il eût préféré que ces révélations sur l'implication de son faux ami dans cette nouvelle guerre ne fussent jamais faites. Il a semblé fort embarrassé, plus même que le principal intéressé, c'est-à-dire le Rwanda. Vous croyez, vous, que c'était par pure prudence que Kinshasa avait préféré mettre en place une commission "de vérification" ? Permettez-moi d'en douter.

En fin de compte, le gouvernement congolais a lâché le morceau et accusé publiquement son traître de voisin de soutenir les rebelles du M23 en leur fournissant armes, munitions, renseignements, et hommes. Oh ! Là encore l'hésitation de Lambert MENDE était perceptible. "Nous savons que le territoire rwandais est utilisé comme base arrière pour l'entraînement et le ravitaillement des hommes du M23", avait-il annoncé à demi-mots, ajoutant qu'il y aurait un "réseau officieux qui apporte de l'aide au M23".

La version d'un réseau officieux qui appuierait les rebelles congolais à partir du Rwanda serait bien sûr un moindre mal diplomatique pour Kigali. Mais quiconque connaît le système rwandais actuel comprend que c'est du leurre tout ça: il est quasiment impossible que des activités d'une telle gravité (recrutements, entraînement, ravitaillement, rencontres avec des généraux du M23, ...) se déroulent sur le territoire rwandais sans la bénédiction du Président Kagame, ou à tout le moins, sans qu'il ne soit au courant.

Le gouvernement congolais le sait sans doute. Mais fallait-il y aller avec des pincettes pour interpeler le gouvernement rwandais et la communauté internationale sur ces faits ? De quoi a-t-il peur ? Vous vous en doutez, il a peur de sa faiblesse. Pas plus ni moins. Avec une armée infestée d'anciens rebelles à la loyauté douteuse, désorganisée, sous-équipée, mal entretenue, ... l'on comprend que la RDC fasse profil bas, y compris lorsqu'un petit pays comme le Rwanda lui met des doigts souillés dans la gorge.

Alors Kabila ne trouve pas mieux que d'implorer le Conseil de sécurité de voler à son secours et d'arrêter les audaces du petit voisin gênant. Drôle d'inspiration ! D'une part le tonitruant Ministre congolais de l'information avance qu'un complot de balkanisation de la RDC qui utiliserait le Rwanda est en cours, et qu'il serait orchestré par certaines puissances occidentales (ce qui est peut-être vrai), mais d'autre part Kabila appelle au secours ces mêmes puissances pour le tirer d'affaire. Il ne faut pas être un génie pour juger de l'incohérence d'une telle démarche de la part d'un gouvernement qui voudrait pourtant qu'on le prenne au sérieux.

A présent, il paraîtrait que les Etats Unis sont entrain de bloquer la publication d'un rapport du panel des Nations Unies sur l'embargo sur les armes en RDC qui porte des annexes accablants pour le Rwanda. Sérieusement, qu'est-ce que les Congolais peuvent bien attendre de cette "communauté internationale"? A mon avis, pas grand chose, sinon qu'elle va tout faire pour étouffer l'affaire ou ajouter ce rapport au tas d'autres qui gisent dans les archives de l'ONU, comme ce fameux Mapping Report sorti en 2010 et que l'on a vite fait d'oublier.

Kabila doit se mettre à l'évidence: le Rwanda n'est pas l'ami du Congo, mais un adversaire avec qui il faut apprendre à se mesurer. C'est trop naïf de compter sur sa bonne foi pour respecter la souveraineté de la RDC et ne pas se mêler de ses affaires. Je ne dis pas qu'il faut l'affronter militairement à tout bout de champ, mais il faut se mettre en état de le faire au cas où ce serait la solution ultime. En clair, il faut lui imposer le respect. Comment? En se dotant de moyens de persuasion; en ayant le courage de lui dire la vérité en face, sans demi-mots ni demi-mesures. Je m'imagine ce qu'aurait fait un Kagame s'il se trouvait dans une situation  où son pays est agressé, et que ses agresseurs sont notablement soutenus par une puissance étrangère, voisine ou même lointaine... Dans le passé il n'a pas hésité à entrer au Congo de manière préventive, simplement préventive, au motif que les réfugiés hutu rwandais installés à l'Est de la RDC menaçaient la sécurité du Rwanda. Aujourd'hui encore, les FDLR sont sur toutes les langues, et le Rwanda a réussi à en faire une épée perpétuellement brandi sur la tête de la RDC.

La RDC, elle, confie toujours son destin à des tiers: renseignements? Faisons appel aux services de toute la région. Frontières? Nous n'en avons pas le contrôle, mais s'il vous plaît Kagame ne les franchissez pas ! Rébellion? Ce n'est qu'une mutinerie menée par nos militaires indisciplinés, cher Kagame aidez-nous à les maîtriser...

Il est temps que les choses changent, cher Kabila !      

 

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