(Note de l’auteur : J’exprime ce que je crois, en âme et conscience. Je ne suis tributaire de personne, et je ne défends que la vérité et l’objectivité, tant pis si cela froisse certains. Vous n’êtes pas d’accord avec moi ? Au lieu de m’en vouloir, vous seriez honoré de me contredire, de me faire des remarques ou des corrections, d’élargir le débat… C’est cela la culture des gens civilisés !)
Un mal Congolais
En RDC, les politiciens de tous bords ont coutume d’instrumentaliser les communautés tribalo-ethniques pour réaliser leurs plans machiavéliques, ou les monter contre les communautés sœurs. Pour eux, seule la fin importe. Les conséquences, ils s’en moquent, d’autant d’ailleurs qu’eux-mêmes et leurs proches directs sont souvent à l’abri lorsque le pire se produit.
Les dernières élections (novembre 2011) n’ont pas échappé à cette règle, quoique quelques signes d’une prise de conscience par une certaine population du danger que comporte la « communautarisation des problèmes » politiques aient été constatés. On a vu ou entendu des politiciens faire leurs calculs en fonction de l’importance numérique de leur tribu ; des partis politiques monolithiques ; des discours à la gloire de tel groupe et la calomnie de tel autre ; etc.
D’emblée, qu’il soit entendu que je ne nie pas l’existence des tribus ni le droit qu’a toute personne de s’identifier à un groupe ou à un autre. Ce que je trouve ignominieux et ridicule, c’est d’exploiter les tribus à des fins politiques, ou encore de prendre l’opinion d’une personne ou d’un groupe restreint de personnes pour en faire celle de toute une communauté.
Des conséquences tragiques
Ce jeu malsain et cynique a conduit aux pires tragédies dans l’histoire du monde. Ces dernières années, la région des grands lacs et la RDC ont eu leur part d’expérience funeste. (On est au mois d’avril : le 6 avril 1994, une horreur sans nom s’est abattue sur le Rwanda voisin, et a débouché sur les massacres d’un million d’âmes, souvent innocentes, et engendré d’autres conséquences politiques et humanitaires dont on peine encore à se remettre, 18 ans plus tard). Mais on dirait que les gens ont la mémoire courte…
Ce n’est pas la «communauté » Tutsi prise dans le piège
J’ai lu hier une lettre ouverte datée du 15 mars 2012, adressée par « la communauté Tutsi du Nord-Kivu » à Monsieur le Secrétaire Général des Nations-Unies, au sujet de l’affaire Bosco Ntaganda. Je ne trouve pas les mots justes pour dire combien le contenu de cette lettre m’a scandalisé ! Sans revenir sur les nombreuses incorrections et le caractère trop léger à mon goût pour une lettre adressée à une autorité d’un tel rang, j’ai particulièrement été attiré par les aspects ci-après :
- Un groupe d’individus (six, pour être précis) s’arroge le droit de parler au nom de toute une communauté. De qui tiennent-ils ce droit ? Quelle est leur légitimité ? Qui ont-ils consulté ? Je parie que le pauvre berger Tutsi qui est dans le fin fond de Masisi ou dans le froid de Jomba ; la paisible paysanne qui est actuellement occupée à planter ses haricots au pied du Nyiragongo ; peut-être même mon ancien enseignant des mathématiques à Goma, n’en sauront jamais rien. Pourtant si demain une guerre éclate ; si demain des soi-disant leaders d’autres communautés décident de prendre le contre-pied des menaces à peine voilées qui y sont faites et d’attaquer, ce seront eux les premières victimes.
- La récupération à je ne sais quelles fins d’une question qui, à ma connaissance, n’est que judiciaire : dans cette lettre, les auteurs font l’apologie des actes de Monsieur NTAGANDA, le traitent de « héro de la communauté », puis déduisent qu’il ne devrait pas faire l’objet d’un mandat d’arrêt ; que le poursuivre serait s’attaquer à toute sa communauté. Ils accusent les chancelleries occidentales, les ONG et les détracteurs de NTAGANDA de voir en ce dernier, non pas un officier de l’armée soupçonné de crimes, mais un Tutsi. Ma foi, je n’ai jamais entendu rien de tel. Evidemment, si cela était vrai, ce serait un excès condamnable. Mais le problème, c’est qu’ils ne citent aucun exemple concret, et se contentent de victimiser « leur » communauté, et de justifier les crimes que NTAGANDA pourrait avoir commis par la frustration.
- L’impertinence : tout en reconnaissant que la responsabilité pénale est individuelle et que la CPI est une institution censée contribuer à la consolidation de la paix dans le monde, les auteurs s’emploient à démontrer que puisque NTAGANDA aurait joué un rôle « déterminant » dans le processus de paix à l’Est de la RDC, alors il ne mérité pas de faire l’objet de poursuite. Attendez ! Les crimes d’hier peuvent-ils s’absoudre par les actes de bonne volonté, ou même héroïques d’aujourd’hui ? Je ne vois pas comment. Et même en admettant que cela constitue une circonstance atténuante (ce que je ne pense pas), il faut bien se présenter devant le juge pour pouvoir s’en prévaloir, non !
- L’ignorance : la lettre est adressée au Secrétaire Général des Nations Unies, que les auteurs qualifient de « garant de l’ordre public international ». A ma connaissance – corrigez-moi si j’ai tort – c’est plutôt le Conseil de sécurité qui joue ce rôle. C’est encore lui qui, juridiquement, est susceptible d’influencer dans un sens ou dans un autre le comportement du Procureur de la CPI. Simple erreur, ou indifférence de politiciens, préoccupés par le seul besoin de se donner une tribune ? Je vous laisse deviner…
C’est ignoble
Bref, je trouve malheureux que d’une part l’on se dise victime de la discrimination, et que d’autre part on veuille défendre à tout prix un individu, peut-être par le seul fait qu’il appartient à « la communauté ». S’il ne doit pas être permis de partir d’un cas négatif pour criminaliser tout un groupe, il me semble qu’il ne doive pas non plus être permis de donner une caution communautaire aux actes ou à la situation d’un membre du groupe pris individuellement.
L’actualité c’est la « communauté Tutsi », mais Dieu sait qu’ils sont rares les Nord-kivutiens et les congolais, toutes ethnies confondues, qui résistent à la tentation du préjugé et de la généralisation abusive. Les gens identifient une personne à sa tribu ou à son origine ; ils la jugent comme telle et rapportent le tout sur son groupe, ou sa région, ou sa famille, … Mais seulement les mauvaises situations. Face à un interlocuteur donné, nombreux sont les congolais qui voient avant tout sa couleur ou son ethnie, plutôt que ses qualités ou ses défauts ; ses compétences ou ses faiblesses ; etc.
Ceci ne construit pas. Ceci ne nous élève guère. Bien au contraire. L’homme – Tutsi, Nande, Hunde, Nyanga, Rega, Hutu, Blanc ou Noir – s’en trouve réduit à sa plus petite expression. C’est l’occasion des frustrations, des méfiances, d’exclusions et autres choses de ce genre, dont les Congolais ne connaissent que trop les résultats.
Je pense que c’est des comportements à bannir. Peu importe qui en est l’instigateur ou la cible, je crois que les Congolais – et surtout la jeunesse – devrait prendre ses distances face aux gens qui, sans aucune légitimité, tentent de les entraîner dans des manœuvres sans lendemain en les opposants inutilement à leurs compatriotes, directement ou indirectement. L’acte d’une seule personne de mauvaise foi peut conduire à une catastrophe collective.
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