Dans son escarcelle, le M23 emporte certes d’importantes
armes et minutions, des véhicules, de l’argent et autres biens pris à l’Etat ou
à des particuliers, mais il emporte surtout un important lot de petites ou
grandes victories sur les plans tant militaire, politique, diplomatique que médiatique.
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Sur le plan militaire : l’humiliante défaite
infligée aux FARDC – ou plutot au gouvernement congolais – avec la prise de la
ville de Goma et de plusieurs localiés dans le territoire de Masisi. Avec leurs
saisies d’armes et de munitions, les rebelles du M23 sont plus forts que jamais
depuis le début de l’insurrection. Leur arrêt aux portes de Minova (localité du
sud-Kivu où s’étaient retranchées les pauvres FARDC après la chute de Goma et
Sake) était davantage dû aux pressions internationales exercées sur eux ainsi
qu’au probleme – interne celui-là – des effectifs pour assurer le contrôle du
vaste territoire qu’il venait de conquérir
en aussi peu de temps, qu’à une quelconque capacité de résistance des FARDC.
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Sur
les plans politique et diplomatique, le M23 a marquee tous les points,
contrairement à ce que veut faire croire le soi-disant “gouvernement” à Kinshasa. La déclaration de Kampala du 26
novembre dernier qui avait donné au M23 un délai de 48 heures pour “quitter la
ville de Goma et les autres positions d’une importance stratégique” a aussi
demandé au gouvernement congolais de “prendre en compte les doléances légitimes
du M23. Ceci est énorme pour ce movement lorsqu’on sait que depuis le début de
la crise en avril 2012 le gouvernement n’a jamais voulu reconnaître une quelconque
légitimité au M23, et encore moins à ses revendications. Depuis un certain
temps, d’ailleurs, le credo du gouvernement est que le M23 est une “fiction”,
et que le véritable maître de la guerre est Kigali. En consacrant que le M23
avait des revendications légitimes auxauelles le gouvernement congolais devrait
répondre, la CIRGL (et le président Joseph Kabila) a écarté l’hypothèse
d’une agression, ou l’a en tout cas minimisée. Pour la première fois, une
rencontre a eu lieu entre le président Kabila et le leader du M23 Sultani
Makenga. Jusqu’ici, le gouvernement refusait toute négociation directe avec le
M23, et suggérait même que si pourparlers il devrait y avoir, ce devait être
entre lui et le gouvernement rwandais. Enfin, le M23 a profité de sa position
de supériorité militaire évidente pour élargir encore plus son assiète de
revendications, allant jusqu’à exiger la fin de l’impunité pour les victimes de
la secte Bundu Dia Kongo, le militant des droits de l’homme Floribert Chebeya
ainsi que le docteur Denis Mukwege (quelle ironie, lorsq’on sait que le M23 a
germé dans une histoire d’impunité ! Pouvait-il évoquer le cas de Bosco
Ntaganda et de ses autres officiers soupçonnés de graves crimes internationaux
? Bien sûr que non...).
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Sur le plan médiatique : le M23 a fait
parler de lui pratiquement dans tous les médias du monde, comme un groupe
rebelle qui a pu défaire non pas une armée, mais des armées : les FARDC, de
loin supérieurs en nombre et en équipements, la MONUSCO, la lamentable force de
“maintien de la paix” des Nations unies, ainsi que de nombreuses milices
alliées à l’armée gouvernementale. Durant quinze jours d’affilée, la situation
à l’Est de la RDC étaient à la une des médias nationaux et internationaux, et
bien sûr les maîtres de la situation, en l’occurence Makenga, Kazarama, Runiga,
etc. Je me souviens qu’avant ces événements de Goma, rares sont les
juornalistes qui connaissaient le nom de Jean-Marie Runiga Lugerero, ou qui
pouvaient le prononcer correctement... Les soldats du M23 ont été présentés,
parfois à tort d’ailleurs, comme des militaires “aguerris et disciplinés”
comparativement aux pauvres FARDC humiliées par leurs propres autorités
(civiles et militaires) irresponsables et inciviques. On peut aussi inscrire
sur le registre des succès médiatiques le retrait presque triomphal du M23 des
villes de Sake et de Goma : devant les caméras du monde entier, les faux braves
soldats étaient amenés vers le nord de Goma, après avoir pris tout leur temps,
sans se préoccuper outre mesure des vociférations des dirigeants de la région
et du monde. Voilà une rebellion qui accepte gentiment de se plier aux
recommandations des dirigeants de la région, et qui, en dépit de sa supériorité
militaire évidente, se retire sans contrainte des positions qu’elle a conquise
au canon. La symbolique est grande, à mon avis. C’est comme si le M23 disait au
monde : “nous pouvons continuer la guerre, nous en avons les moyens et les
capacités, mais nous ne la ferons qu’en dernier recours, si l’on refuse de nous
entendre et de répondre à nos desiderata”. Le message de Sultani Makenga avant
son départ de Goma n’était-il pas que si le gouvernement n’a pas proposé le
calendrier des négociations directes endéans 48 heures, ils allaient (le M23) “terminer
le travail” qu’ils avaient commencé !
Quoiqu’il soit, tout n’a pas été rose non plus pour le M23. Il s’en va
(trève unilatérale encore !) avec un nouveau lot d’accusations de pillages, d’extorsions et ‘exactions de
toutes sortes, qui ne sont guère du genre à améliorer son image originairement
ternie. Mais ce n’est pas la morale qui fait la guerre... Ils seront là, dans les
hauteurs de Goma, prêts à redescendre au moindre malentendu, prêts à tout pour maintenir le niveau des enchères. Ceci est d’autant
plus à craindre qu’on a en face un gouvernement qui refuse d’accepter la
réalité (ou fait semblant dêtre tenace) au lieu de prendre les choses un peu plus au sérieux et d'essayer de sauver ce qui peut encore l'être. Car le M23, lui, ne risque pas de se reposer. Au contraire, il pourrait prendre quelque temps de plus pour réorganiser ses forces, peaufiner ses stratégies, et, qui sait, préparer l'assaut ultime qui pourrait s'arrêter plus loin encore que Goma ou Sake...
La trève est donc là, mais la menace de l'extension de la guerre au-delà du petit carré de Rusthuru n'est pas exclue. Le gouvernement faible sur tous les plans a sur la table des revendications auxquelles elle doit répondre, et sa marge de manoeuvre est quasiment nulle. Or, il y a des choses que les congolais ne sont plus prêts à accepter, comme par exemple la réintégration d'un Sultani Makenga ou un Baudoin Kaina au sein des FARDC. Y a-t-il moyen d'échapper à ce schéma ? Rien n'est moins sûr.
La CIRGL et la "communauté internationale" continuent pour leur part à perdre le temps dans des dispositions qui sont loin d'aboutir à la solution de la crise. Pour la première (CIRGL), tout le monde - y compris un certain Matata Pomyo - sait qu'elle ne peut pas et ne va pas trouver une solution à cette crise; en tout cas pas une solution de nature à avantager la RDC. Tenez, par exemple, cette histoire de force neutre, d'unités "composites" qui seraient déployées à l'aéropoprt de Goma, etc. Comment veut-on faire vivre ensemble quatre forces aux intérêts et aux mandats opposés sur un même espace d'à peine quelque centaines de mètres carrés ? Est-ce sécurisant pour les usagers de cet aéroport(officiels ou pas) ? Comment veut-on assurer la sécurité d'une ville d'un million d'habitants avec seulement un bataillon de l'armée et de quelques unités de policiers ? (Je fais exprès de ne pas compter la Monusco, car, au-delà des déclarations gratuites de ses responsables au sujet de la "sécurisation des civils", rien n'a changé depuis deux semaines et la chute de la ville sous leur nez, de la mort d'une cinquantaine de civils et des blessures d'une centaine d'autres, en dépit de déclarations similaires).
Quant à la "communauté internationale", il est incompréhensible qu'en plus de son incapacité à engager des moyens humains et militaires susceptibles de mettre un terme au calvaire de millions de Kivutiens (je parle par exemple de revoir le mandat et même la composition de la Monusco, de prendre des sanctions contre l'Ouganda, et surtout contre le Rwanda), elle se limite à faire des recommandations et à prendre des "sanctions" complètement ridicules contre des officiers du M23 : gel des avoirs éventuels, interdiction de voyager contre des personnes pour qui voyager à l'étranger n'est sûrement pas le souci majeur pour le moment, etc.
Le M23 peut valablement parler, lui, d'un replis stratégique. Pas les FARDC, qui ne sétaient pas retirées, mais s'étaient sauvées ! J'ai envie de demander à Joseph Kabila et son gouvernement : et vous, messieurs, c'est quoi à présent votre stratégie ?
La trève est donc là, mais la menace de l'extension de la guerre au-delà du petit carré de Rusthuru n'est pas exclue. Le gouvernement faible sur tous les plans a sur la table des revendications auxquelles elle doit répondre, et sa marge de manoeuvre est quasiment nulle. Or, il y a des choses que les congolais ne sont plus prêts à accepter, comme par exemple la réintégration d'un Sultani Makenga ou un Baudoin Kaina au sein des FARDC. Y a-t-il moyen d'échapper à ce schéma ? Rien n'est moins sûr.
La CIRGL et la "communauté internationale" continuent pour leur part à perdre le temps dans des dispositions qui sont loin d'aboutir à la solution de la crise. Pour la première (CIRGL), tout le monde - y compris un certain Matata Pomyo - sait qu'elle ne peut pas et ne va pas trouver une solution à cette crise; en tout cas pas une solution de nature à avantager la RDC. Tenez, par exemple, cette histoire de force neutre, d'unités "composites" qui seraient déployées à l'aéropoprt de Goma, etc. Comment veut-on faire vivre ensemble quatre forces aux intérêts et aux mandats opposés sur un même espace d'à peine quelque centaines de mètres carrés ? Est-ce sécurisant pour les usagers de cet aéroport(officiels ou pas) ? Comment veut-on assurer la sécurité d'une ville d'un million d'habitants avec seulement un bataillon de l'armée et de quelques unités de policiers ? (Je fais exprès de ne pas compter la Monusco, car, au-delà des déclarations gratuites de ses responsables au sujet de la "sécurisation des civils", rien n'a changé depuis deux semaines et la chute de la ville sous leur nez, de la mort d'une cinquantaine de civils et des blessures d'une centaine d'autres, en dépit de déclarations similaires).
Quant à la "communauté internationale", il est incompréhensible qu'en plus de son incapacité à engager des moyens humains et militaires susceptibles de mettre un terme au calvaire de millions de Kivutiens (je parle par exemple de revoir le mandat et même la composition de la Monusco, de prendre des sanctions contre l'Ouganda, et surtout contre le Rwanda), elle se limite à faire des recommandations et à prendre des "sanctions" complètement ridicules contre des officiers du M23 : gel des avoirs éventuels, interdiction de voyager contre des personnes pour qui voyager à l'étranger n'est sûrement pas le souci majeur pour le moment, etc.
Le M23 peut valablement parler, lui, d'un replis stratégique. Pas les FARDC, qui ne sétaient pas retirées, mais s'étaient sauvées ! J'ai envie de demander à Joseph Kabila et son gouvernement : et vous, messieurs, c'est quoi à présent votre stratégie ?