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jeudi 13 décembre 2012

RDC : l'Ouganda "inquiet" au sujet de la "réorganisation" des ADF/NALU"

Gén. Aronda Nyakairima, Chef d'Etat-major de l'UPDF
Selon le quotidien pro-gouvernemental ougandais New Vision, citant des sources militaires ougandaises, les Forces Démocratiques alliées/Armée nationale pour la libération de l'ouganda (ADF/NALU) pourraient "profiter de la confusion qui règne actuellement entre l'armée congolaise et les rebelles du M23 pour attaquer à nouveau l'Ouganda". Dans son article à la une intitulé "Ugandan rebels regroup in Congo" (ce qu'on peut traduire par : "les rebelles ougandais se réorganisent au Congo"), le journal, connu pour être le porte-voix du régime du président Yoweri Kaguta Yussuf Museveni, renseigne que ces rebelles, dont le nombre oscillerait autour de 600, auraient redoublé d'activités ces dernières semaines, dans les localités d'Erengeti et de Kikingi, situées à une centaine de kilomètres de la frontière congolo-ougandaise.

Selon le général Aronda Nyakairima, chef d'Etat-major général de l'UPDF (Uganda's People Defence Force, l'armée nationale ougandaise), les ADF/NALU auraient acquis des armes et des munitions de l'armée congolaise, lors d'attaques lancées contre elles. Toujours selon lui, cette réorganisation constituerait une menace sérieuse pour la sécurité de l'Ouganda, si bien qu'il se serait rendu récemment dans la région ouest de l'Ouganda, proche de la RDC, pour discuter promptement de la situation avec ses officiers, dont le commandant de la Deuxième Division, et des officiers de renseignements militaires.

Citant le Brigadier Patrick Kankiriho, commandant de cette Deuxième division basée à Mbarara, à l'ouest de l'Ouganda, le journal relate que les ADF/NALU recruteraient beaucoup de combattants dans toute la région (ouest de l'Ouganda), et qu'elles s'adonneraient à l'exploitation et au commerce illicites de ressources naturelles de la RDC, une activité qui leur procurerait des revenus importants. Les ADF/NALU seraient dotées d'une bonne structure militaire, semblable à celle d'une armée classique, au sommet de laquelle se trouverait un certain Jamil Mukulu.

Une "une" pour rien ? 

Le titre du New Vision est attirant. On ouvrant le journal, on s'attend à des révélations - sérieuses ou farfelues, peu importe - sur la constitution d'une menace contre la sécurité de l'Ouganda qui serait entrain de se (re)constituer dans les forêts congolaises. Eh bien, presque pas de nouvelle en réalité ! Aucune attaque ou plan d'attaque, ces mots confuses sur une acquisition d'armes et munitions des mains des FARDC, des rappels sur les exactions jadis commises par la rébellion, des spéculations sur leur composition et leur structure, et c'est tout pour une "une" !

Pourtant l'on peut se demander si c'est anodin, un tel exercice médiatique, dans une période aussi trouble à l'Est de la RDC, et au moment où l'Ouganda est accusée de soutenir la rébellion du M23 ? Il faut se rappeler que l'armée ougandaise est entrée plusieurs fois en RDC, officiellement à la poursuite des rebelles qui constituaient une menace contre sa sécurité. Au nombre de ces ennemis d'alors, les ADF/NALU, accusées à l'époque de mener des attaques et de commettre des crimes graves dans plusieurs localités ougandaises proches de la frontière de la RDC, dans les années 1990. Affaiblies (de l'aveu même du chef d'Etat-major de l'armée ougandaise), les ADF/NALU n'ont pas mené d'opération sur le sol ougandais depuis plusieurs années. Cependant, même après les opérations conjointes menées récemment par les armées congolaise et ougandaise, ces rebelles sont demeurées actives dans les territoires de Lubero et de Beni, au nord du Nord-Kivu, commettant plusieurs exactions contre les populations congolaises.

Les ougandais voudraient-ils insinuer, comme les rwandais il y a quelques semaines, que l'accroissement de la "menace" des ADF/NALU contre sa sécurité pourrait justifier une nouvelle intervention ouverte de ses troupes sur le sol congolais ? Aronda Nyakairima aurait assuré au New Vision que l'UPDF n'est pas en RDC et ne prévoit pas d'y intervenir, arguant qu'il faisait confiance aux efforts régionaux déployés pour combattre les groupes armées (dont les ADF/NALU) opérant à l'est de la RDC. "J'espère que les efforts de la région d'endiguer les forces négatives en RDC vont réussir? Nous avons des modèles qui ont réussi et qui peuvent être dupliqués là-bas, dont le Burundi, la Somalie et le Soudan du Sud", aurait-il déclaré, faisant allusion au projet ridicule de la CIRGL de déployer une "force internationale neutre" en RDC pour combattre  les forces négatives qui y opèrent.

Pour tout dire, on a beau chercher les raisons d'un tel coup d'éclat dans le quotidien, on se perd en imaginations. La RDC étant un pays où les intrigues les plus sordides peuvent se faire impunément, il ne serait pas étonnant que l'Ouganda et le Rwanda tentent de surfer sur la présence - et le regain soudain d'activisme - de groupes armés qui leur seraient hostiles, et accuser la RDC de les soutenir, pour tenter de recouvrer leur statut de victimes-irréprochables. Et tant pis si les rapports du panel d'experts des Nations-unies détaillent la façon dont, par exemple, le Rwanda crée, arme et entretient des groupes armés "locaux" ou "étrangers" qui ont le double mérite de compliquer davantage l'équation à l'armée congolaise, et de collaborer à directement à son plan de déstabilisation !

Pour la petite histoire, Aronda Nyakairima n'est pas un officier tombé de la brousse (comme certains au sein des FARDC). En plus d'être un politologue de formation, il a fait des Etudes stratégiques au "centre intellectuel de l'armée" du célèbre Fort Leavenworth, aux Etats-unis d'Amérique. Il est originaire du district de Rukungiri, à l'ouest de l'Ouganda, non loin de la RDC et du Rwanda (comme un certain Yoweri Museveni), et il milite au sein du présidentiel National Resistance Mouvement depuis 1981 (à l'époque il n'était âgé que de 22 ans). Oh, pas la peine de lire entre les lignes : qu'est-ce que tout ceci peut bien signifier... Pas grand chose !