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mardi 26 mars 2013

La Haye : Le "Terminator" plaide (déjà) non coupable !

Bosco Ntaganda lors de sa première comparution à La Haye.
Crédit photo : CPI. 
L'audience de première comparution dans l'affaire Procureur contre Bosco Ntaganda à la Cour internationale pénale a s'est tenue à La Haye aux Pays-Bas ce mardi 26 mars 2013 comme prévu. Bosco Ntaganda est apparu en costume sombre et chemise bleue foncée, les traits tirés comme à son ordinaire, osant rarement lever les yeux. 

L'audience de ce mardi était destinée à identifier le suspect Bosco Ntaganda, à s'assurer qu'il a été informé des crimes portés contre lui, et à l'informer de ses droits tels que consacrés par le Statut de Rome. A la question de savoir s'il avait été informé des crimes mis à sa charge, Bosco Ntaganda a répondu affirmativement : "j'en ai été informé mais je plaide non coupable parce que...", avant d'être interrompu par la présidente de la Chambre, la bulgare Ekaterina Trendafilova. Celle-ci lui a expliqué que le moment n'était pas encore venu de parler de son innocence ou de sa culpabilité, et que moment venu il aurait tout le temps pour s'exprimer en détail à ce sujet. Mais le ton du procès (si procès il y aura) est donné : le "Terminator" s'est peut-être rendu, mais il n'est pas prêt à accepter ce dont on l'accuse. Ce qui pourrait ne pas être sans conséquences sur le plan politique. Par exemple, des révélations sur de très probables implications de personnalités à Kinshasa et à l'étranger dans les évènements de l'Ituri. 

Le Général "congolais" ne plaidera pas en Lingala, ni en Français, mais bien en Kinyarwanda !

Appelé à décliner son identité, Bosco Ntaganda a dit qu'il ne portait que ces deux noms, attribués par ses parents. Il a indiqué être né au Rwanda, mais avoir grandi au Congo avant de conclure : "je suis un soldat Congolais; je suis Congolais". 

Quant à la langue dans laquelle il s'exprimera au cours des audiences, il a choisi le Kinyarwanda. "Choisi", dis-je ? C'est probablement la seule langue qu'il maîtrise vraiment. Le Kinyarwanda est une langue assez répandue dans l'Est de la RDC, mais elle n'est ni l'une des quatre langues nationales, ni la langue de l'armée (qui est le Lingala), encore moins la langue officielle (qui est le Français). Un "profane" du Congo s'expliquera difficilement comment un homme aussi inculte - Dieu sait s'il sait lire et écrire, même en Kinyarwanda - comment donc un tel homme peut atteindre le rang des officiers généraux dans l'armée d'un Etat digne de ce nom. C'est qu'en RDC, ce n'est pas un cas rare, bien au contraire : ne deviennent pas officiers supérieurs et généraux (que) ceux qui ont fréquenté des académies militaires ou effectué une carrière classique, mais ceux qui ont su démontrer leur degré de brutalité. Ca peut être au sein des groupes armés et des rébellions, mais il peut aussi s'agir des soldats de rang de l'armée nationale qui aspirent à la promotion à des grades supérieurs. 

Ce que la Cour reproche à Bosco Ntaganda comme crimes a donc plutôt constitué son tremplin et fait sa renommée. L'armée congolaise n'est-elle pas pleine de petits ou grands Terminator parvenus à de hautes charges après des parcours terribles dans les milices et les rébellions ! Après tout...qui est-ce qui attribue les grades aux officiers ? A-t-il eu besoin d'avoir un titre académique pour parvenir à la tête de l'Etat, où des professeurs d'universités se tiennent à ses pieds ? 

Ntaganda n'est pas un militaire formé dans une académie; c'est un soldat formé dans la brousse depuis son jeune âge et qui a fait le tour de pratiquement toutes les rébellions de la région : d'abord l'armée patriotique rwandaise, ensuite l'alliance des forces démocratiques de Laurent-Désiré Kabila, l'Union des patriotes congolais de Thomas Lubanga (en Ituri, où il est présumé avoir commis les crimes pour lesquels il est actuellement poursuivi), le Congrès national pour la défense du peuple de Laurent Nkunda, et enfin le Mouvement du 23 mars. Partout, il s'est avéré être un seigneur redoutable, intrépide et indimptable. 

La suite de l'affaire...

La Cour internationale pénale a indiqué que dans cette affaire, les audiences de confirmation de charges (où Bosco Ntaganda pourra enfin clamer longuement son innocence) débuteront le 23 septembre 2013. Elles serviront, pour la Chambre préliminaire, à déterminer s'il y a des raisons sérieuses de croire que le suspect Bosco Ntaganda a commis les crimes qui lui sont reprochés, afin de l'envoyer éventuellement en Chambre de première instance pour instruction et jugement. 

Les victimes Ituriennes de ses crimes devront donc s'armer de davantage de patience (sept ans d'attente ne suffisent pas). Celles du Kivu, quant à elles, garderont les yeux rivés au Bureau du procureur qui serait (encore) entrain de mener ses enquêtes. Comme si les faits commis dans le Kivu étaient enfuis plus loin que le coltan ! C'est cela, la parodie de justice qu'offre si chèrement la "communauté internationale" aux populations de l'Est  de la RDC... Qui les plaindra ? Ce n'est tout de même pas leur gouvernement, cet autre...bourreau.