Bosco Ntaganda lors de sa première comparution à La Haye. Crédit photo : CPI. |
L'audience de ce mardi était destinée à identifier le suspect Bosco
Ntaganda, à s'assurer qu'il a été informé des crimes portés contre lui, et à
l'informer de ses droits tels que consacrés par le Statut de Rome. A la
question de savoir s'il avait été informé des crimes mis à sa charge, Bosco
Ntaganda a répondu affirmativement : "j'en ai été informé mais je plaide
non coupable parce que...", avant d'être interrompu par la présidente de
la Chambre, la bulgare Ekaterina Trendafilova. Celle-ci lui a expliqué que le
moment n'était pas encore venu de parler de son innocence ou de sa culpabilité,
et que moment venu il aurait tout le temps pour s'exprimer en détail à ce
sujet. Mais le ton du procès (si procès il y aura) est donné : le
"Terminator" s'est peut-être rendu, mais il n'est pas prêt à accepter
ce dont on l'accuse. Ce qui pourrait ne pas être sans conséquences sur le plan
politique. Par exemple, des révélations sur de très probables implications de
personnalités à Kinshasa et à l'étranger dans les évènements de l'Ituri.
Le Général "congolais" ne plaidera pas en
Lingala, ni en Français, mais bien en Kinyarwanda !
Appelé à décliner son identité, Bosco Ntaganda a dit qu'il ne portait que
ces deux noms, attribués par ses parents. Il a indiqué être né au Rwanda, mais
avoir grandi au Congo avant de conclure : "je suis un soldat Congolais; je
suis Congolais".
Quant à la langue dans laquelle il s'exprimera au
cours des audiences, il a choisi le Kinyarwanda. "Choisi", dis-je ?
C'est probablement la seule langue qu'il maîtrise vraiment. Le Kinyarwanda est
une langue assez répandue dans l'Est de la RDC, mais elle n'est ni l'une des
quatre langues nationales, ni la langue de l'armée (qui est le Lingala), encore
moins la langue officielle (qui est le Français). Un "profane" du
Congo s'expliquera difficilement comment un homme aussi inculte - Dieu sait
s'il sait lire et écrire, même en Kinyarwanda - comment donc un tel homme peut
atteindre le rang des officiers généraux dans l'armée d'un Etat digne de ce
nom. C'est qu'en RDC, ce n'est pas un cas rare, bien au contraire : ne
deviennent pas officiers supérieurs et généraux (que) ceux qui ont fréquenté
des académies militaires ou effectué une carrière classique, mais ceux qui ont
su démontrer leur degré de brutalité. Ca peut être au sein des groupes armés et
des rébellions, mais il peut aussi s'agir des soldats de rang de l'armée
nationale qui aspirent à la promotion à des grades supérieurs.
Ce que la Cour reproche à Bosco Ntaganda comme crimes a donc plutôt
constitué son tremplin et fait sa renommée. L'armée congolaise n'est-elle pas
pleine de petits ou grands Terminator parvenus à de hautes charges après des
parcours terribles dans les milices et les rébellions ! Après tout...qui est-ce
qui attribue les grades aux officiers ? A-t-il eu besoin d'avoir un titre
académique pour parvenir à la tête de l'Etat, où des professeurs d'universités se
tiennent à ses pieds ?
Ntaganda n'est pas un militaire formé dans une
académie; c'est un soldat formé dans la brousse depuis son jeune âge et qui a
fait le tour de pratiquement toutes les rébellions de la région : d'abord
l'armée patriotique rwandaise, ensuite l'alliance des forces démocratiques de
Laurent-Désiré Kabila, l'Union des patriotes congolais de Thomas Lubanga (en
Ituri, où il est présumé avoir commis les crimes pour lesquels il est
actuellement poursuivi), le Congrès national pour la défense du peuple de
Laurent Nkunda, et enfin le Mouvement du 23 mars. Partout, il s'est avéré être
un seigneur redoutable, intrépide et indimptable.
La suite de l'affaire...
La Cour internationale pénale a indiqué que dans cette affaire, les
audiences de confirmation de charges (où Bosco Ntaganda pourra enfin clamer
longuement son innocence) débuteront le 23 septembre 2013. Elles serviront,
pour la Chambre préliminaire, à déterminer s'il y a des raisons sérieuses de
croire que le suspect Bosco Ntaganda a commis les crimes qui lui sont
reprochés, afin de l'envoyer éventuellement en Chambre de première instance
pour instruction et jugement.
Les victimes Ituriennes de ses crimes devront donc s'armer de davantage de
patience (sept ans d'attente ne suffisent pas). Celles du Kivu, quant à elles,
garderont les yeux rivés au Bureau du procureur qui serait (encore) entrain de
mener ses enquêtes. Comme si les faits commis dans le Kivu étaient enfuis plus
loin que le coltan ! C'est cela, la parodie de justice qu'offre si chèrement la
"communauté internationale" aux populations de l'Est de la
RDC... Qui les plaindra ? Ce n'est tout de même pas leur gouvernement, cet
autre...bourreau.