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mardi 2 octobre 2012

Goma/RDC : ils ont osé revendiquer la paix et la justice !


Eux, ce sont des jeunes de Goma, révoltés par la situation que traverse leur pays, et soucieux de faire advenir un changement radical des choses, dans la non-violence...


Vendredi 21 septembre dernier, alors que le monde célébrait la Journée internationale de la paix (sous le thème : « une paix durable pour un avenir durable »), des centaines de jeunes intellectuels congolais ont manifesté pacifiquement à Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, pour clamer leur désir (à eux aussi) d’une paix durable en République Démocratique du Congo, et exiger la justice pour les millions de congolais victimes des guerres et des conflits qui endeuillent ce pays et son peuple depuis deux décennies. 

La manifestation avait commencé par une marche (ou plutôt une « ballade », comme les concernés préfèrent l’appeler) sur une distance de plus ou moins huit kilomètres, à partir du lieu dit « terminus » sur la route de Sake, pour déboucher à l’esplanade de l’Office national du café, sur la principale avenue de la ville (le « boulevard » Kanyamuhanga). 

Sur place à l’esplanade de l’ONC – qui, pour les jeunes de Goma épris de changement, n’est pas sans rappeler la célèbre « place Tahrir » du Caire – les manifestants, auxquels s’étaient joints quelques milliers de personnes, avaient présenté des témoignages oraux et visuels sur les horreurs de la guerre (notamment une exposition de photos des massacres commis par différents protagonistes des conflits depuis 1996). 

La révolution et ses symboles

Chaque couleur a un sens...
La plupart des jeunes manifestants étaient habillés en noir, de la tête aux pieds, en signe de deuil pour cette paix que les politiciens et les miliciens de tous bords n’ont de cesse à torpiller. Ils arboraient sur leur bras gauche (là où bat le cœur !), des brassards de couleur verte « en signe d’éveil, de vigueur et d’espoir ». D’autres portaient des foulards blancs autour du cou. Une jeune fille d’une vingtaine d’années m’a expliqué ce que cela signifiait pour elle : « Nous faisons le deuil de la paix, mais nous n’entendons pas nous laisser abattre par l’angoisse, ou gagner par la haine et la violence. Nous sommes déterminés à lutter pour que la paix vienne illuminer notre avenir, et nous lutterons jusqu’au bout, mais toujours dans la non-violence. Voilà pourquoi nous portons cette étoffe blanche, par-dessus notre sombre tenue ». J’avoue que cette explication m’a laissé coi…

Un autre geste lourd de signification : dans leur ballade, ils se sont arrêtés au rond-point dit du cercle sportif (officiellement baptisé « rond-point de la Paix »), où est érigé un monument en l’honneur des soldats congolais et en hommage de la paix. Le monument représente deux soldats au garde-à-vous, portant des emblèmes de l’armée congolaise, ainsi qu’un canon et un tas d’armes brisées au-dessus desquelles survole une colombe. Ils ont entonné l’hymne national pendant que deux d’entre eux (un jeune homme et une jeune fille) enveloppaient d’une étoffe blanche le canon et le tas d’armes. Ils ont ensuite gardé quelques minutes de silence en hommage à ceux des militaires congolais tombés vaillamment sur le front entrain de combattre pour la paix, avant de poursuivre leur marche. Pour ceux qui ne connaissent pas Goma, ce monument est construit au pied du mont-Goma, à quelques dizaines de mètres seulement du siège du commandement militaire du Nord-Kivu (la Huitième Région militaire).

Des messages forts, sans détours…
 
Dans les messages transcrits sur leurs calicots et les morceaux de papier distribués au long de leur « ballade », ces jeunes révoltés n’étaient pas allés par quatre chemins, comme à l’accoutumé. Ils étaient directs et incisifs, signe qu’eux ont déjà gagné au moins une bataille : celle de la peur. Voici quelques-uns de leurs messages : 

-         « Est de la RDC : à qui profite la guerre ? En tout cas, pas à nous » ;
-         « Deux décennies de guerres, sept millions de morts, trente-cinq millions de litres de sang versé ; des millions de blessés, de veuves, d’orphelins, de disparus, de réfugiés et de déplacés, c’est assez ! Nous voulons la paix maintenant » ;
-         « Non à la force internationale neutre. Oui à la formation d’une armée républicaine et professionnelle. Personne ne peut mieux nous défendre que nous-mêmes » ;
-         « Rapport Mapping : deux ans déjà que les congolais attendent l suite… ONU, quel est encore votre prétexte ? » ;
-         En deux décennies, l’AFDL, le RCD, le MLC, la LRA, les ADF/NALU, le FNL, le CNDP, les différents groupes MAYI-MAYI, les FDLR, le M23, etc., ont tué des millions de congolais. Cela suffit, nous voulons la paix et la justice. Maintenant !».

Le jeudi 20 septembre, ces jeunes avaient sillonné les rues de Goma pour mobiliser et sensibiliser la population sur la nécessité, voire l’urgence qu’il y a à vaincre la peur, la résignation et l’attentisme qui maintiennent les congolais dans un état de quasi-esclavage politique, et l’inviter déjà à prendre part à la manifestation pacifique qui allait avoir lieu le lendemain. Des milliers de messages écrits en français et en swahili avaient ainsi été distribués (ouvertement et en pleine journée). 
La population a lu avec intérêt les messages distribués sur des bouts de papier. Elle n'a pas caché son admiration face au courage et à la non-violence de ces jeunes révolutionnaires.

Sur leur parcours, comme lors de la réunion tenue sur leur « place Tahrir », le 21 septembre, tout le monde était surpris par leur courage, leur détermination, leur attitude non-violente (à Goma les gens sont habitués à des manifestants qui cassent tout sur leur passage, insultent tout le monde, volent, brutalisent).  Les gens étaient tout aussi séduits par les messages diffusés, tant ils reflètent le sentiment de la majorité silencieuse des congolais. Le courage de le dire de façon aussi directe et précise, sans se voiler la face ou profiter de l’abri d’un studio de radio, ne pouvait pas ne pas susciter de l’admiration, si bien que certains trouvaient ces jeunes « trop téméraires ». En fait, les congolais ont beau être ou passifs, ou attentistes, ils n’en sont pas moins révoltés. D’où le nombre d’étudiants, de fonctionnaires ou de commerçants qui ont tout fermé, ce jour-là, pour se mêler dans la foule des jeunes manifestants.

L’intervention brutale de la police 

Pendant plusieurs heures, le meeting de la « place Tahrir » de Goma s’est tenu dans la sérénité. Par moments, des motards et d’autres curieux excédés par l’horreur des témoignages voulaient poser des actes de violence, mais ils étaient vite rappelés à l’ordre par ces jeunes visiblement très disciplinés. Des témoignages étaient lus dans les mégaphones, tandis que toutes les personnes qui le souhaitaient passaient voir les photos des horribles massacres exposées sur un tissu tendu entre deux piliers de l’esplanade. Pendant ce temps, les jeunes manifestants étaient assis calmement, en cercle autour du feu d’un pneu allumé en signe de deuil, sur une petite partie de la route. La voie étant assez large, la circulation avait sur la chaussée s’était poursuivi sans difficultés, à part que certains automobilistes s’arrêtaient de temps en temps pour lire les messages écrits sur les banderoles, ou écouter ce qui se disait sur les mégaphones. Les manifestants auraient prévu de faire leur feu sur une place inoccupée, plus loin de la route, mais le matin du jour de la manifestation des camions transportant des véhicules neufs y avaient  été stationnés.  Alors, ils avaient dû choisir la moindre des choses entre s’en tenir à leur plan, au risque de brûler ces véhicules, et occuper une petite partie de la route…

La manifestation s’est ainsi poursuivie jusqu’à ce que la police vienne tout gâcher. Dans un premier temps, une trentaine de policiers armés jusqu’aux dents avaient entouré les manifestants, et tiré des bombes lacrymogènes au milieu d’eux. A leur grande surprise, au lieu de se disperser, les jeunes manifestants se sont agenouillés à même le sol, près de leur feu, impassibles, et se sont mis à scander des chants de révolte, les mains levées vers le ciel. Les policiers se sont alors retirés quelque temps, tandis que toute la foule qui s’était éloignée lors des tirs des bombes lacrymogènes accourait pour rejoindre à nouveau ces jeunes dont l’intrépidité et l’attitude étonnaient tout le monde. Au même moment, des dizaines de journalistes des médias locaux et internationaux prenaient des images et faisaient des interviews tous azimuts. A quelques mètres de la grande place où se tenait la manifestation, deux auto-blindés de la Monusco avaient pris position. Mais les casques bleus observaient la scène, sans intervenir. Certains d’entre eux prenaient des photos, comme tout le monde. 

Des policiers, ou une bande de brigands enragés ?

Quelques minutes après leur premier coup de force, les policiers étaient revenus. Cette fois, ils avaient formé une ceinture autour des manifestants, qui étaient toujours agenouillés, les mains levées vers le ciel, à côté de leur feu. Le commandant de l’unité d’intervention s’était avancé, sans arme, et avait discuté avec les jeunes manifestants pour les prier de « vider les lieux » car la situation risquait de dégénérer. Ils avaient accepté sa proposition, et lui avaient indiqué qu’ils allaient retirer leurs banderoles de l’esplanade pour se retirer tranquillement, en passant devant les militaires de la Monusco, auprès de qui ils souhaitaient faire passer un ultime message. Sitôt promis, sitôt fait. Ils ont décroché leurs calicots, et se sont dirigés vers l’endroit où étaient stationnés les auto-blindés de la Monusco. Pendant quelques minutes, ils ont exhibé aux casques bleus une banderole sur laquelle il était écrit : « La meilleure façon de nous protéger, nous civils congolais, c’est de nous rétablir la paix. La Monusco doit y œuvrer ou s’en aller ». C’était le même message qu’ils avaient adressé quelques jours auparavant à Monsieur Hervé Ladsous, Sous-Secrétaire général des Nations Unies pour les opérations de maintien de la paix, lors de son passage à Goma, le 11 septembre.

Après cette exhibition exécutée sans heurts, ils avaient commencé à ranger leurs calicots, et avaient empruntés une route secondaire devant ramener chacun chez lui lorsque, brusquement, la trentaine de policiers laissés dernière à l’esplanade de l’ONC sont venus en file indienne, en courant, les ont entourés, et ont chargé leurs fusils. Les jeunes se sont rassis, les mains sur la tête, en criant « la paix, la paix, la paix ». 

L’ordre a été donné de tirer (donné, selon plusieurs témoignages, par le Colonel Oscar NTAYAVUKA, qui commande la police dans la ville de Goma). Alors les policiers, tels des chiens sans discernement que lance un maître contre des voleurs, se sont mis à tirer à balles réelles, à l’aveuglette, pendant trois à cinq minutes. Bilan : deux blessés par balles, dont un grièvement. Ensuite ils se sont roués sur ceux qui n’avaient pas pu ou voulu s’enfuir (dont moi-même qui m'entretenais avec les jeunes manifestants, après avoir couvert une grande partie de la manifestation). Une dizaine de jeunes ont été ramassés, frappés de tous côtés et, dans leurs cris de douleur, dépouillés de tout ce qu’ils avaient sur eux (argent, téléphones portables, documents d’identité, …), avant d’être jetés comme de vulgaires choses dans un pick-up et emmenés au cachot de la mairie de la ville. J’oubliais de dire qu’entre-temps, le maire de la ville était présent, ainsi que le commandant de la police/ville de Goma (le donneur d'ordre), son adjoint, et de nombreux agents des services dits de renseignements. 

Nous avons été frappés sans ménagement par ces brigands de policiers. Un cou de poing dans l’œil, un coup de botte par ici, un coup de crosse par là, pendant qu'ils nous traînaient sur le sol comme des bandits de grand chemin… Le moins que je puisse dire est qu’ils se sont bien régalés. En même temps, ils nous arrachaient tout ce que nous avions sur nous. 

Après notre arrestation, la situation a failli dégénérer dans le centre-ville de Goma. C’était comme si un terrible vent venait d'y souffler. On nous a raconté que la situation n’était redevenue normale qu’après près d’une heure. (Qui a, dans ces conditions, troublé l'ordre public ? Les manifestants, ou la police et ses irresponsables de donneurs d'ordre ? Je vous laisse répondre...)

Nous avions passé quelques minutes seulement dans le cachot de la mairie, le temps de nous ôter nos chaussures et nos ceintures (un autre butin pour nos policiers sans scrupule). Rapidement, des agents des renseignements sont venus nous « récupérer », mes compagnons d’infortune et moi. J’ai eu beau leur rappeler ma qualité d’avocat (et les privilèges qui s’y attachent normalement), ils ne voulaient rien entendre. Bien au contraire, ils semblaient vouloir fracasser les mâchoires à tout le monde. Une dizaine de journalistes qui nous avaient suivis se sont vus refuser de nous parler. Ils devaient se contenter de nous compter…

Tortures et intimidations

Serge Bagala, 22 ans, les balles l'ont atteint dans les deux jambes.
Embarqués dans un autre pick-up, nous avons donc été amenés aux sinistres services d’investigation de la police (la « P2 »). Roulant en trombe (ça, Dieu sait si les militaires congolais savent le faire), et sous l’escorte d’une jeep de la police militaire pleine d’hommes armés jusqu’aux dents, nous avons traversé la ville. Des dizaines de motards nous suivaient, à la même allure, comme pour nous tirer de la gueule de lions féroces. Nous n’étions plus qu’au nombre de six, d’autres ayant été laissés à la mairie. Le bureau de la P2 sont situés au sud de la ville, tout près du lac Kivu. Ils nous jeté dans le cachot. Un motard attrapé parmi ceux qui suivaient les véhicules de nos bourreaux d’agents nous a rejoints dans le cachot. 

Pendant une demi-heure, nous avons été copieusement frappés  et torturés : matraque, gifles, coups de poing, électrochoc, … Après nous avoir terrorisés, ils nous ont présentés devant des officiers de police judiciaire pour les auditions. Mais même au cours des interrogatoires, nous continuions d’être frappés. Des collègues avocats qui avaient accouru pour m’assister ont été soit priés d’observer sans dire mot, soit méprisés et tenus à l’écart, nonobstant l’insistance et l’évocation des dispositions constitutionnelles qui accordent à toute personne le droit d’être assistée à toute étape de la procédure pénale. Le sergent KAPAPULA Félicien, agent à la P2, s’est particulièrement illustré dans les actes de torture et de maltraitance nous infligés, si bien que ses propres collègues en sont venus à le dénoncer eux-mêmes auprès du responsable du bureau, arguant qui si l’un de nous venait à mourir, il serait tenu pour responsable. 

Nous avons passé la nuit dans un cachot d’à peine deux mètres sur cinq, sans fenêtre si ce n’est un trou étroit par lequel se faufilait un mince filet d’air et de lumière. Nous étions au nombre de quatorze (avec ceux que nous avions trouvé dedans), entassés à même le sol sur de misérables cartons. Un grand sceau disposé derrière la porte fait office d’urinoir. Nous n’avions rien mangé, rien bu, et tout le monde se tordait de douleur. Des milliers de questions nous traversaient l’esprit : quelle allait être la prochaine étape ? Combien de personnes avaient trouvé la mort ou avaient été blessés par les balles de la police ? Comment nos familles allaient-elles être informées de notre situation ? Combien de temps ce calvaire allait-il durer ? Ces questions étaient d’autant plus ardentes que la plupart d’entre nous expérimentaient la prison (ou le cachot) pour la toute première fois. 

Absence d’autorisation ou d’information préalable

L’on a accusé les jeunes manifestants de n’avoir pas obtenu l’autorisation, ou de n’avoir pas informé à l’avance la mairie. A supposer qu’une autorisation préalable soit nécessaire (ce qui n’est pas le cas), ou que l’information n’ait pas été donnée à temps aux autorités urbaines : cela donne-t-il le droit à la police ("agents de l'ordre") de tirer à balles réelles sur des jeunes gens désarmés, assis à même le sol, non agressifs, et qui n’ont pas essayé un seul instant de s’opposer à une interpellation ?

Quand la politique s’y mêle…

Au départ, les officiers de police prétendaient que nous avions commis des troubles à l’ordre public, et que nous avions manifesté sans autorisation. Deux accusations qui ne tiennent pas debout, d’autant plus que : d’une part, les manifestations publiques en RDC ne sont pas soumises au régime de l’autorisation, mais à celui de la simple information. D’autre part, si quelqu’un avait causé un trouble à l’ordre public, ce sont bien les policiers, de la manière dont ils ont intervenu. Des enregistrements vidéo et audio de la manifestation peuvent en témoigner. 
La police avait commencé par négocier. Ensuite il y a eu cet ordre...

Hélas, vite, des politiciens en mal d’inspiration  ont trouvé là une occasion de montrer une fois encore leur capacité de nuisance – la seule capacité qu’on ne peut hésiter à leur reconnaître ! Car le lendemain de notre arrestation, le samedi 22 septembre, alors que nous étions transférés au parquet de grande instance (grâce à la pression positive exercée en sens inversée de celle des politiciens par un certain nombre de personnes à Goma et ailleurs), les services de renseignements ont joint à nos procès-verbaux un rapport indiquant que nous étions poursuivis de « collision avec un groupe rebelle (le M23, en l’occurrence), et de dissipation d’armes et munitions de guerre »

Personnellement, je ne savais quoi penser face à un tel ridicule. Non seulement nous n’avions pas été interrogés la veille sur quoi que ce soit de ce genre, mais aussi les policiers qui étaient venus nous arrêter (ou nous massacrer, qui sait ?) reconnaissaient eux-mêmes que les manifestants n’avaient à aucun moment levé le moindre caillou contre qui que ce soit. Bien plus, des caméras avaient filmé toute la scène, du début jusqu’à la fin. Les messages véhiculés ne comportaient rien de subversif, et tout s’était passé en pleine journée, au vu et au su de tout le monde. 

C’est plus tard que nous apprendrons que les politiciens appelaient de toutes parts pour exiger que cette audace fût réprimée « de façon exemplaire », en vue de dissuader toute nouvelle velléité.  Naturellement, ceux qui entretiennent le système dénoncé par ces jeunes ou ceux qui en bénéficient d’une manière ou d’une autre se sentent menacés par de telles initiatives, d’autant plus lorsqu’elles sont le fait de jeunes intellectuels intrépides, assez intelligents pour ne pas mordre à l’hameçon de la violence, et capables de convaincre et de mobiliser des masses de personnes. 

Il fallait voir comment les magistrats évitaient littéralement ce dossier, craignant sans doute de se brouiller avec les membres de l’exécutif dont dépend leur promotion, leur traitement, voire leur vie, tout simplement. Pire, on m’a parlé de mes propres collègues avocats qui n’ont pas osé intervenir, ne serait-ce qu’en signe de solidarité, tellement l’affaire était « politisée ». Quelle lâcheté ! Quelle bassesse ! Dieu merci, il y a encore quelques rares personnes qui ont du courage et qui osent défendre la vérité et la justice. C’est grâce à eux que le samedi 22 septembre, au soir, alors que certains avaient voulu nous expédier à la sinistre prison centrale de Goma en attendant un procès expéditif la semaine qui allait suivre, nous avons été libérés, sans le moindre frais. 

La luta continua…

Un jeune manifestant narguant le feu !
Il y a des vérités qui dérangent. Il y a des initiatives qui font trembler les faiseurs de guerre, les corrompus de gouvernants congolais, les politiciens opportunistes et sans aucun idéal, les criminels en sursis, les marchands de la terreur, les violeurs de la liberté et de la démocratie, … Il y a des audaces qui surprennent les résignés, les peureux, les attentistes et les autres fatalistes qui se contentent de vivre a minima, s’interdisent de rêver, et croient qu’ils est plus honorable pour un esclave de faire semblant d’ignorer sa situation en portant toges et cravates, que d’essayer de se libérer, d’aspirer à plus de liberté, de paix et de justice. Il y a des congolais qui pensent qu’être vue dans la rue entrain de réclamer son droit, ou être emprisonné parce qu’on ose revendiquer sa dignité est une humiliation. A mon avis, la pire humiliation est pour l’être humain d’accepter sa condition d’esclave, de glorifier ses maîtres, tant que dans la boue où on le traîne il parvient encore à respirer ou à attraper des miettes de pain pour survivre. 

Cette jeunesse est une lueur qui est entrain de percer peu à peu les murs obscurs où certains voudraient voir les congolais rester éternellement. Je suis fier de m’être trouvé parmi eux, et je n’entends pas renoncer à ce noble combat, au moment même où il commence à toucher ses cibles et à les mettre mal à l’aise.
Au moment où j’écris ce billet, deux autres jeunes sont aux arrêts, à Goma, pour avoir osé organiser une conférence-débat sur le rétablissement de la paix durable à l’Est de la RDC. Je me rappelle les mots de ce magistrat qui se demandait si l’on n’était pas entrain de vouloir ériger en infraction le fait de réfléchir ! Nous-mêmes devrons attendre trente jours avant que notre dossier ne soit définitivement classé. Une chose est sûre, le Congo profond est entrain de s’éveiller, et ce ne sont ni la barbarie policière, ni le chantage et la calomnie qui consistent à associer tous ceux qui osent se défaire des moules de la pensée politique congolaise au M23 ou à je ne sais quel groupe rebelle, ni même la privation de liberté qui vont arrêter la marche inexorable vers la révolution. 

Si j’avais un conseil à donner aux politiciens congolais (de quelque bord que ce soit), ce serait : limitez les dégâts que vous avez déjà causés à ce pays, écartez-vous, laissez la jeunesse remettre les choses à leur place. Entêtez-vous, et la révolution qui a déjà commencé vous emportera, impitoyablement ! Personne n'empêchera le changement de venir au Congo. Vous pouvez le retarder, mais pas l'étouffer... A bon entendeur, salut !