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jeudi 15 novembre 2012

GOMA : Les jeunes exigent l'interpellation du gouverneur Julien Paluku Kahongya par les députés pronvinciaux !


Les jeunes révoltés de Goma, ceux-là du mouvement qui s'est donné pour slogan "INATOSHA !", ont encore fait mené une action. Ce jeudi 15 novembre 2012, ils sont allés déposer une lettre ouverte au bureau de l'assemblée provinciale du Nord-Kivu, à l'hôtel Fleur de Lys (un nom révélateur de l'opulence dans laquelle vivent nos "représentants" ?). Par la suite, ils sont allés trouver les députés à l'hôtel Ihusi où ils suivaient un séminaire atelier sur le "recadrage budgétaire" et, en plein déjeuner, ils ont remis à chaque député individuellement une copie de la même lettre. 

Entre le bureau administratif du législatif provincial et l'hôtel Ihusi, ils ont fait une "ballade" (marche, dans leur jargon) au cours de laquelle ils ont distribué des lettres à la population et porté des messages accrochés sur leur poitrine, pour interpeller et dénoncer la situation des routes à Goma, mais aussi à Beni, Butembo, et dans toute la province du Nord-Kivu. On pouvait y lire, par exeple : 

GOMA : 20 MOIS QUE NOUS VIVONS COMME DES ANIMAUX DANS LA POUSSIÈRE, LA BOUE, LES SECOUSSES

CA SUFFIT !

LE SILENCE DE NOS DÉPUTÉS ÉQUIVAUT A LA COMPLICITÉ…

L’ASSEMBLEE PROVINCIALE DOIT SORTIR DE SON LAXISME.

 VOUS AVEZ UNE SEMAINE POUR INTERPELLER LE GOUVERNEMENT PROVINCIAL !

Ils donnent aux députés provinciaux une semaine pour interpeller le gouverneur ("en personne", soulignent-ils), à défaut de quoi ils vont "prendre acte de la démission de leurs députés, et mener eux-même des actions pour interpeller le gouverneur jusqu'à obtenir satisfaction".

Ci-après leur lettre ouverte, écrite en des termes clairs et forts, sans détours ni demi-mots. 
Tout esprit patriote et courageux devrait leur emboîter le pas !


Lettre ouverte à Monsieur le Président de l’Assemblée provinciale et à l’ensemble des députés provinciaux du Nord-Kivu sur l’état des routes d’intérêt provincial et local, et celui des voiries urbaines de Goma, Beni et Butembo


Mesdames et Messieurs les députés,  

Il y a plus de cinq ans, lorsque, à la faveur de l’avènement d’un nouvel ordre politique dans notre pays, la population qui vous a élus a assisté à votre installation effective, immense a été l’espoir et la confiance qu’elle a placé en votre vous. Elle s’est réjouie d’avoir enfin des « représentants » permanents et attentifs, qui allaient enfin porter ses problèmes et œuvrer à ce qu’il y soit trouvé des solutions. 

Vous connaissez l’état des routes de « votre » province, sans doute : de Masisi à Lubero ; de Goma à Beni ; de Nyiragongo à Walikale ; rien ou presque n’a été fait depuis que vous êtes là à « représenter le peuple » au sein de l’organe délibérant. Or, vous êtes sans ignorer l’intérêt que représentent les infrastructures routières partout, tant pour la facilitation des relations entre les personnes et les communautés, que pour les échanges commerciaux, la sécurité, la préservation de l’environnement, etc. Cela vaut plus particulièrement pour le Nord-Kivu qui est une province agro-pastorale et touristique par excellence, mais aussi une province dont la plupart de régions productrices sont enclavées. 

Dans ce chaos, l’état des routes de la ville de Goma est particulièrement parlant. Début 2011, le gouverneur de province lance en grande pompe des travaux dits de modernisation de la voirie urbaine de Goma. Ils sont censés durer douze mois, et sont confiés à une entreprise dénommée TRAMINCO. Dans un petit laps de temps, près de 11 kilomètres de routes – celles constituant les principales artères de la ville – sont complètement rasés. La population jubile à l’idée que le mince et vieillissant goudron hérité des années Mobutu va enfin céder la place à des routes plus larges, plus solides, plus belles, avec éclairage et canalisations d’eau des pluies, … Mais les mois passent, et l’euphorie de la population se noie peu à peu dans la poussière et la boue qui deviennent son lot quotidien. A la date prévue pour l’inauguration de la première étape des travaux (10,5km), au mois de février 2012, à peine 1 kilomètre a été asphalté, abstraction faite de sa qualité et de ses accessoires. La campagne électorale était passée par là…

La situation des routes de Beni et de Butembo est quasiment similaire. Ne parlons même pas des cités, des villages, des routes de desserte agricole dans le Masisi, le Lubero, le Rutshuru ; toutes ces routes d’intérêt provincial et local dont la construction, la réhabilitation et l’entretien sont pourtant de l’attribution exclusive du pouvoir provincial, aux termes de l’article 204 de la constitution de la République. Les routes nationales qui passent par le Nord-Kivu ne sont guère mieux servies. De dégradation en dégradation, certaines sont devenues méconnaissables, et constituent un véritable goulot d’étranglement de l’économie de la province, dont les conséquences atteignent aussi bien les producteurs agricoles, les commerçants, les transporteurs, que les voyageurs ordinaires. Il est aujourd’hui impossible ou extrêmement rude d’atteindre certains coins de la province sans prendre l’avion, mais à quel coût, à quels risques ! 

Pour ce qui concerne la voirie de Goma, le gouverneur de province est intervenu il y a quelques jours, sur la pression des opérateurs du secteur pétrolier, pour annoncer un certain nombre de « mesures » qu’il aurait prises pour poursuivre les travaux. Nous vous disons tout de suite que nous n’accordons aucun crédit à ces « mesures », pour les raisons essentielles ci-après résumées : 

-          Des mesures illégales : « Le financement des opérations de construction et de réhabilitation des routes est exclu du champ d’intervention du FONER » (confer article 4 du Décret n°08.27 de décembre 2008 portant création et statuts d’un établissement public dénommé Fonds National d’Entretien Routier). Il est vrai qu’au Nord-Kivu, le FONER, depuis sa création, perçoit beaucoup de fonds mais ne s’acquitte pas comme il le faut de sa mission d’entretien des routes. Mais doit-on pour autant détourner sa mission légale et s’en vanter ? N’est-ce pas vouloir se dédouaner de ses responsabilités en trouvant un coupable trop facile ?  

-          Des mesures floues : Le gouverneur a annoncé qu’il s’était fait remettre une certaine somme par les responsables du Fonds d’Entretien Routier (FONER en sigle), et qu’il allait désormais « retenir 40% des recettes du FONER » pour financer la réhabilitation des routes. Au nom de quelle loi, de quels pouvoirs ? Que va devenir l’entretien des routes de desserte agricole qui est tant bien que mal financé par le FONER ? Comment cet argent est-il utilisé par la province ? Comment la province va-t-elle donner des fonds à une entreprise (la TRAMINCO) dont elle dit ne pas maîtriser le contrat la liant au gouvernement central ? Etc. ;

-          Des mesures d’auto-disculpation : la voirie urbaine et les routes d’intérêt provincial et local sont de la compétence exclusive de la province (cf. art. 204 literas 11 et 24 de la constitution). Le gouverneur ne tente-t-il pas de cacher la responsabilité de son propre gouvernement en essayant de mettre l’échec du projet de réhabilitation de la voirie de Goma sur le dos du FONER ? 

-          Des mesures imprécises : A quand des routes viables dans la ville de Goma ? Quelle est la quantité et la qualité de la route qu’on construit ? Quel est le coût total, pour combien de kilomètres en tout ? De quelle expertise et quelles capacités matérielles et financières dispose la TRAMINCO ?  
  
Mesdames et Messieurs les députés,

Qu’avez-vous fait depuis cinq ans ? Vous êtes devant vos responsabilités, et la population que nous sommes voit tout, compte tout. Votre silence est sans plus ni moins un signe de complicité ou, pire, d’insouciance, donc de trahison de ces milliers de vos compatriotes qui ont placé en vous leur confiance. 

Mais puisqu’il vaut mieux tard que jamais ; puisque le peuple est patient et sait pardonner (sinon vous ne seriez plus là !), vous pouvez vous racheter… Mais l’occasion est unique : c’est celle-ci. 

Nous vous demandons, toutes affaires cessantes, d’adresser ce problème afin que nous soyons édifiés. Les discours, c’est trop facile, et Dieu sait que vous êtes, comme d’autres politiciens, surdoués en la matière. Nous voulons des actes, des chiffres, des dates, et, le plus rapidement possible, des réalisations matérielles concrètes. Nous n’attendons pas de vous que vous vous substituiez à l’Exécutif provincial ou national, mais que vous soyez exigeants, impitoyables, et que vous alliez jusqu’au bout de vos actions, en usant sans ménagement de tous les moyens d’action que vous reconnaissent la constitution et les lois de la République. 

Si vous aimez ce pays comme vous le prétendez ; si la population qui vous adresse cette lettre vaut quelque chose pour vous ; si enfin de compte vous êtes les « représentants » du peuple que nous sommes, vous allez faire ce que nous vous demandons. Vous allez mettre de côté vos petits intérêts égoïstes ou partisans, oublier un temps vos amitiés avec les fossoyeurs du peuple, et agir énergiquement, sans complaisance. 

Mesdames et Messieurs les députés, 

Nous qui vous adressons la présente, sommes des jeunes congolais sans couleur ni obédience politique aucune. Nous n’avons en commun que notre passion pour la RDC, notre chère patrie, notre révolte vis-à-vis des conditions dans lesquelles nous vivons malgré nous, notre conviction qu’il n’y a pas de fatalité en cela, et notre détermination à lutter de manière citoyenne, dans la non-violence, pour que les choses changent. Nos actions ne visent pas des personnes, mais des actes, des attitudes, des comportements, comme ceux qui causent les guerres et les conflits dont nous sommes directement ou indirectement victimes, la corruption, la mauvaise gouvernance, l’injustice sous toutes ses formes, le chômage, … Bref, l’irresponsabilité des uns, l’inaction ou l’insouciance des autres. La constitution nous reconnaît ce droit. Nous n’avons pas à être une association formelle pour exercer le droit de vous interpeller, de faire une pétition, ou de manifester notre révolte.  

A ce titre, et concernant l’état des routes dans notre province et des voiries des villes de Goma, Beni et Butembo, nous nous adressons à vous, en votre qualité de « représentants du peuple », pour que vous usiez de vos prérogatives pour soulager notre indescriptible souffrance qui est aussi celle de millions de Nord-Kivutiens silencieux ou résignés.

Nous vous demandons donc instamment de prendre vos responsabilités et d’inviter le gouverneur de province en personne pour qu’il vienne répondre à nos préoccupations ci-après résumées. Le gouverneur de province doit : 

1.      JUSTIFIER :

-          L’utilisation, entre 2009 et 2010, des fonds de la province pour la construction fantaisiste du tronçon de la voirie de Goma allant du rond-point Signers à la place dite Tora, marché de Virunga-Signers-place dite Mvano. Ici, il doit notamment dire combien d’argent a été dépensé dans ce projet, la procédure d’attribution de marché qui avait été suivie, la quantité et la qualité des travaux qui étaient prévus. Il doit situer les responsabilités, dire qui a été sanctionné et comment ;  

2.      EXPLIQUER : 

-          Comment la voirie de Goma qui a été détruite à son instigation et les travaux qui ont été commencés début 2011 ne sont pas encore achevés jusqu’à ce jour, dix mois après la date indiquée sur les panneaux pour leur achèvement ;  

-          La procédure qui a été suivie pour l’attribution du marché à la TRAMINCO, pièces à l’appui, le montant de son contrat, la longueur et la qualité des travaux prévus, leur durée d’exécution, ainsi que les critères qu’il remplissait à cet effet. Il faut rappeler ici que le gouverneur ne peut en aucun se dérober de sa responsabilité en prétextant l’intervention du gouvernement central, car, comme nous l’avons souligné, la voirie urbaine rentre dans les attributions exclusives de la province (article 204, literas 11 et 24) ; 

-          L’opération qu’il a récemment annoncée sur les médias, consistant à récupérer des fonds du FONER pour les destiner à la réhabilitation de la voirie de Goma, alors qu’il sait pertinemment bien que cela est une violation de la loi ; que le FONER n’a pour mission que d’entretenir les routes (cf. article 4 du Décret de 2008 précité). Si le FONER se charge de construire ou réhabiliter les routes d’une seule ville (Goma, en l’occurrence) avec l’argent destiné à l’entretien des routes de la province, que vont-elles devenir ? Encore que le montant annoncé peut à peine financer la réhabilitation de 4km de routes. A quoi servent la constitution et les lois si les autorités comme lui agissent sans s’y référer, et les violent constamment, sans remords et sans que n’intervienne l’autorité de contrôle que vous êtes ?  
  
-          Comment peut-on construire 4km de routes en « trois ou quatre mois » ? Comment une entreprise sérieuse peut-elle entreprendre de réhabiliter des routes en pleine ville avec à peine trois machines, trois camions, et une dizaine d’ouvriers travaillant avec leurs mains nues ? 

-          Pourquoi ce sont des entreprises privées, et souvent étrangères, à qui la province doit toujours recourir pour effectuer des travaux de construction ou de réhabilitation des routes, alors que l’Office des routes et l’Office de Voirie et drainage existent et ont reçu par la loi cette mission.   

3.      FOURNIR : 

-          Un plan provincial complet et détaillé de réalisation de travaux d’infrastructures routières, établi sur un moyen terme, avec indication de tronçons concernés, des travaux à exécuter, un calendrier d’exécution, la provenance des ressources, etc. Ce plan devrait accorder une attention particulière aux villes de Goma, Butembo et Beni (voir article 204 literas 11, 24 et 29 de la constitution) ; 

-          Des gages sur la manière dont les routes de la province vont continuer à être entretenues ; 

-          Des gages suffisants sur le respect strict de la loi et des procédures en matière de travaux publics de construction/réhabilitation des routes, à la transparence dans la gestion des fonds, à la responsabilité des entrepreneurs, et à la punition des auteurs de détournements et de corruption. 

 Mesdames et Messieurs les députés, 

Au terme des explications du gouverneur devant votre assemblée, et des débats qui en découleront, nous voulons que vous preniez les mesures les plus énergiques et adaptées à la situation. Nous suggérons que vous procédiez par des moyens efficaces tels que l’interpellation ou la motion, conformément à la constitution et à votre Règlement d’ordre intérieur. S’il faut sanctionner tel ou tel autre membre du gouvernement provincial, faites-le sans complaisance. Surtout, nous ne voulons pas de discours vains, de promesses en l’air. Nous suivrons tout à la loupe et forgerons notre juste jugement.   

Si dans une semaine (c’est-à-dire le 22 novembre 2012), vous n’avez rien entrepris de sérieux et de crédible dans le sens d’adresser nos préoccupations ici exprimées, nous en déduirons votre démission de fait, et considérerons que nous n’avons pas de représentants valables, sensibles aux problèmes de la population, et soucieux d’y trouver des solutions. Nous avons assez attendu, nous n’avons plus le temps d’attendre pendant que la poussière, la boue et les secousses nous tuent à petit feu, et que nous sommes gérés comme des animaux sans conscience ni honneur. Vous avez donc le choix, entre démissionner de vos responsabilités en sacrifiant le peuple que vous êtes censés représenter, et agir pour une fois dans l’intérêt de ce dernier, avec rapidité et rigueur. Dans le premier cas, le peuple devra se passer de vous et s’adresser directement à qui de droit ; dans le second, il se retrouvera en vous et soutiendra vos initiatives et vos actions. 

En espérant que vous serez sensibles à nos préoccupations légitimes, et que vous y ferez ce que nous vous demandons, nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les députés, en notre esprit patriotique. 

Fait à Goma, le 14 novembre 2012
Les Soussignés (liste en annexe)