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lundi 21 mai 2012

Le Printemps Congolais : ce que je propose

Vous le savez, en parlant de Printemps Congolais je ne pense pas aux saisons : il est clair que le climat équatorial et tropical de la RDC ne risque pas de se transformer demain en un climat tempéré… Le terme « Printemps » désigne la révolution, à l’instar des révolutions qui bouleversent le monde arabe depuis plus d’une année maintenant, et qui ont vu chuter des dictateurs que l’on aurait pu croire indéboulonnables tels Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte. 

Pour la petite histoire, l’usage du terme « Printemps » pour désigner une révolution politique et ou sociale n’est pas l’apanage des révoltes arabes de 2011. Pour ce que je sais, il a été utilisé depuis le milieu du XXème siècle pour désigner d’autres révolutions en Europe (exemple : le Printemps de Prague en 1968). 

 Une révolution, pourquoi et par qui ? 

Dans un billet publié sur ce blog il y a de cela quelques semaines, je demandais « à quand le Printemps congolais », en essayant d’analyser l’attitude de la population congolaise à la suite du fiasco électoral organisé auquel on a assisté en novembre dernier. Constatant que ce simulacre d’élections avaient été sérieusement critiquées par tous les observateurs indépendants, nationaux et internationaux, et même décriées par certaines puissances occidentales, je fustigeais le fait que les Congolais n’aient pas été en mesure de lire les signes du temps et de prendre les choses en main afin d’obtenir que ces élections soient réorganisées à nouveau, ou, tout au moins, que les résultats sortis des urnes soient comptabilisés dans la transparence. 

S’il m’était demandé à moi de répondre à la question de savoir à quand le Printemps Congolais, je répondrais sans hésiter par MAINTENANT, parce que c’est mon vœu le plus ardent. Hélas, je ne suis pas naïf. Je sais que ce n’est pas possible aujourd’hui, étant donné l’état d’esprit de ceux qui pourraient conduire la révolution, je veux dire la jeunesse. Les jeunes Congolais sont, pour la plupart, soit inconscients de leur responsabilité face à l’incapacité des dirigeants Congolais successifs depuis 52 ans à assurer la paix et le progrès de la Nation, soit ignorants de leur pouvoir s’ils pouvaient s’élever comme un seul homme et prendre en main leur destin. La révolution est et sera un processus plus ou moins long suivant le rythme auquel cette conscience s’éveillera. 

La RDC est un pays tellement corrompu, tellement ruiné jusque dans ses racines que pour son décollage, il ne suffira jamais d’un simple changement de régime (surtout pas par la voie des élections, sauf miracle), ni d’une simple réforme dans tel ou tel domaine. Il lui faut un changement radical et très profond ; une sorte de cure de désintoxication sur une certaine période. Les plus sincères des personnes avec qui je discute souvent admettent, par exemple, qu’il faudrait restaurer la chicotte. C’est un peu exagéré, j’en conviens, mais c’est comme pour dire que le changement ne viendra pas sans la rigueur, la sanction ; sans un Etat fort et impitoyable envers le crime ordinaire ou économique ; des fonctionnaires assidus ; une armée et une police loyales et disciplinées ; etc. 

La révolution est donc non seulement impérieuse, mais aussi urgente. Car, voyez-vous, le pays est comme otage d’un petit groupe de personnes et d’entreprises dont l’unique devise semble être : « Gagner le plus possible, à n’importe quel prix, la Nation on s’en moque » ; une sorte de mafia qui créent et exploitent les divisions tribales, souvent au prix du sang et des larmes, qui affiche un mépris inqualifiable pour les lois de la République, qui a entretient à dessein le peuple dans la pauvreté et la dépendance les plus absurdes, qui laisse vivre les gens dans des conditions telles que la mort latente est la seule certitude, … La révolution est impérieuse d’autant plus que toute la classe politique actuelle (soi-disant Majorité comme Opposition) est pourrie, à peu d’exception près, et n’a d’autre idéal que s’enrichir et se maintenir au pouvoir pour les uns, accéder au pouvoir et s’enrichir pour les autres. L’agitation de l’Opposition ces dernières semaines autour de la distribution des postes au gouvernement et au bureau de l’Assemblée nationale est assez révélatrice à ce sujet. 

Enfin, la révolution est impérieuse et urgente parce que personne ne se préoccupe vraiment de la jeunesse congolaise, et qu’il lui appartient à elle-même de s’assumer si elle veut se donner un avenir meilleur. Je la crois capable de cela, et je l’exhorte à s’y mettre dès à présent. Les temps sont propices aux changements radicaux dans le monde, y compris en  Afrique des Grands Lacs. Il ne faudrait pas que la jeunesse congolaise rate cette opportunité. Elle a tout intérêt, parce qu’elle ne peut raisonnablement attendre le changement ni de ses dirigeants actuels (ils s’en moquent), ni de l’Occident (tant que ses intérêts ne l’exigent pas), ni de la providence (c’est trop naïf de croire à la manne tombant du ciel).      

Une révolution, par qui ? 

La révolution nécessite un meneur, un leader qui soit un homme (ou une femme !) de caractère, intelligent, dévoué à la cause de la Nation, éclairé, intrépide, rigoureux, intègre et visionnaire. Une personne capable de réunir les Congolais et de les remettre au travail, d’impulser le fonctionnement régulier et optimal des institutions de la République, de drainer le développement de la Nation, tout en se soumettant lui-même aux exigences de la démocratie et de la République.   

Le 17 mai, la RDC a commémoré les quinze ans de la chute de Mobutu et de la « libération » du Zaïre. L’événement avait tout l’air d’une révolution, un « Printemps ». Mais Mzee L.D. Kabila (paix à son âme) n’a pas vécu bien longtemps pour parachever l’œuvre qu’il avait courageusement commencée. Pourtant, bien qu’il ait eu quelques défauts (comme tout homme d’ailleurs), il me semble qu’il incarnait ce leader charismatique capable de mener une révolution. Mais le pleurer ne le ramènera pas à la vie. Je pense d’ailleurs que s’il pouvait, de l’au-delà, émettre quelque vœu, ce serait que les jeunes Congolais prennent son relais et poursuivent l’œuvre qu’il avait entamée au lieu de passer du temps à se recueillir sur sa tombe.
Je suis convaincu qu’il y a en chaque jeune Congolais un révolutionnaire qui s’endort. Il faut le réveiller. Il faut le bousculer. Et parmi ces révolutionnaires en herbe, il y a certainement des leaders. J’en connais certains. Il faut qu’ils se découvrent et qu’ils s’offrent, parce que la Patrie a besoin d’eux. 

Une révolution, comment ? 

Si l’on sait pourquoi et par qui, le procédé s’en trouve aisé à mettre en place. Il existe au moins deux méthodes pour engager une révolution : la méthode violente (genre Révolution française), et la méthode non-violente. En outre, une révolution peut être spontanée ou provoquée ; isolée ou assistée. (C’est ma perception, je ne suis ni historien, ni sociologue).

Pour ce qui concerne la RDC, je préconise une révolution en trois temps : 

1.      La prise de conscience : C’est une question personnelle. Il ne faut s’attendre à ce que la prise de conscience soit effective simultanément dans l’esprit de tous les Congolais. Toi qui me lis, examine ta situation, vois si elle te convient ou pas, sonde les raisons qui militent à ce qu’elle perdure, et songe à ce que je te suggère pour retourner les choses.

2.      L’engagement : En second lieu, prends la résolution que les choses doivent changer, et que le changement commence par toi. Engage-toi à ne plus être le même : ni acteur, ni victime passive de la corruption, de la tricherie, de l’injustice, de l’intolérance, et de tous ces antivaleurs qui gangrènent notre société. Evite, dénonce, lutte avec ta dernière énergie. Et tâche surtout de sensibiliser les autres autour de toi : tes frères et sœurs, tes amis, tes collègues, voire tes supérieurs, tes collaborateurs, tes subalternes, … Si tu te crois assez intègre, ne laisse plus des médiocres te diriger, ne dénigre pas et n’évite pas la politique : entres-y et change-là ; n’attends pas que quelqu’un d’autre fasse à ta place ce que tu peux ou dois faire ; ne laisse pas le tribalisme et les préjugés te dominer. Sans le plus objectif possible dans tes jugements et tes choix ; essaies d’être le modèle à suivre dans ta famille, ton milieu d’étude ou ton cadre professionnel ; respecte le temps et la parole donnée ; crains le déshonneur et abhorre la trahison ; sois intègre et irréprochable ; reste modeste et discret. Fais bien les moindres de tes devoirs sans songer à la récompense…

3.      L’action : On te refuse un droit, tu te tais ; on te crache au visage, tu t’essuies ; on t’intimide, tu renonces ; on t’arrache ta propriété, tu cèdes ; tu veux « éviter des ennuis », tu ne veux pas paraître dans les manifestations publiques, tu veux préserver ta petite vie, tu te dis « qu’ils prennent pourvu qu’ils me laissent tranquilles ». Tu es complice de la situation que la RDC traverse. L’action, c’est tout le contraire. Cesse de regarder ta « petite vie », parce qu’il y a au-delà d’elle une Nation à promouvoir, un avenir à assurer pour toi-même, et sinon pour ta descendance. Le droit et la liberté ne te seront jamais donnés pour des noix épluchées sur un plateau. Tu dois lutter, sans ménagement, sans lésiner, en sacrifiant de ton temps, de ton énergie, et peut-être de ta vie. C’est la condition sine qua non de ta dignité, de ton honneur, et du renouveau de la RDC. Tu auras appris qu’aucune révolution n’est possible sans sacrifices, sans martyrs. Et ne soit pas égoïste au point de penser qu’il y a d’autres qui sont faits pour se sacrifier à ta place.  

Si chacun suit ces trois prescriptions, je suis persuadé que la révolution ne tardera pas à venir. Le changement de régime ou l’amendement des autorités viendront de soi, et je ne sais de quelle manière. Mais ils viendront à coup sûr. J’insiste, c’est avant tout une affaire personnelle. Mais la somme des citoyens fait la Nation. En conséquence, la somme de gens intègres, consciencieux, engagés et actifs donne une Nation digne et fière, qui ne peut supporter un pouvoir corrompu et insouciant. 

Avant de finir, j’aimerais revenir sur la prise de conscience pour souligner le rôle que devraient jouer les associations diverses, les églises, les clubs sportifs, les écoles et les universités, en famille ; et la responsabilité à cet effet des parents et des leaders d’opinion (artistes, journalistes, les autorités traditionnelles, les animateurs communautaires, les stars de la chanson ou du sport, les pasteurs, les enseignants, les médecins et infirmiers, les syndicats, …). Les moyens pour y parvenir sont multiples : les médias traditionnels (radio, télévision et journaux écrits), les clubs de réflexion et d’échange, les tracts, le théâtre et les arts vivants, l’écriture, et surtout Internet et ses diverses possibilités : blogs, forums, …). Alors, qu’attends-tu ? Révolte-toi ! Il y a de quoi…

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