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vendredi 6 avril 2012

Le Gouverneur Julien P. KAHONGYA : un drôle de génie !


Avril 2012. La saison des pluies bat son plein à Goma. La nuée de poussière jaune dans laquelle vit le million d’habitants de la capitale provinciale du Nord-Kivu depuis plus d’une année est momentanément remplacée par la boue, les marres d’eau, des milliers de nid-de-poule sur ce que nous appelons pudiquement des « routes », et des immondices que drainent les torrents d’eau à leur passage.

Notre Gouverneur se nomme Julien PALUKU KAHONGYA. Il est en place depuis 2007 comme premier gouverneur élu du Nord-Kivu, et naturellement, il a sa résidence officielle dans la ville. A Goma, tout le monde sait quand le Gouverneur passe : 4x4 aux vitres teintées roulant à 100km à l’heure, convoi de policiers armés jusqu’aux dents, phares allumées, klaxons à tue-tête, sirènes… Si vous avez le malheur de vous trouver sur la voie, vous vous trouvez enveloppé dans une nuée de poussière ou alors éclaboussé de boue et d’eau sale selon qu’il a plu ou que le temps est sec.

Ça doit lui faire un drôle de spectacle à lui, hein ! Tous ces gens qui s’arrêtent à son passage, la main collée au nez ou le dos tourné ; les motards qui chancellent sur leurs engins instables, les badauds qui accourent, les policiers de roulage au garde-à-vous, … Vous savez, la sensation d’un pilote professionnel zigzaguant dans le désert au volant de sa jeep 4x4 !

Attendez ! Il se peut que je me trompe. Notre Gouverneur a dû lire la constitution et connaît ses attributions et ses responsabilités au bout des doigts. Il a la mémoire fraiche et se rappelle sûrement les promesses faites à ses électeurs lorsqu’il demandait leur vote. Je suis sûr qu’il a un poste radio et un écran de télévision grâce auxquels il est quotidiennement au parfum de l’actualité de sa juridiction ; il a des services et des conseillers qui l’informent des humeurs et des attentes de sa population. Et puis il a voyagé. Il a beaucoup sillonné le monde, Monsieur Kahongya : Corée du Sud, Etats-Unis d’Amérique, France, Allemagne, Afrique du Sud, … Il a des éléments de comparaison entre la situation de ses administrés et celle des autres peuples à travers le monde.

Ainsi, il a lancé il y a de cela plus d’une année les « travaux de modernisation de la voirie urbaine de Goma », en grande pompe, à bord d’un bulldozer, devant caméras et curieux. Et depuis plus d’une année, les résultats sont là, flatteurs pour lui : Goma a les allures d’un véritable désert. Je crois que son ambition était de faire de la ville touristique une destination de premier choix pour les randonneurs du désert et, avec quelque chance, de ravir l’organisation du rallye Paris-Dakar à Buenos-Aires. Pas mal !

Une idée saugrenue : des passerelles au-dessus de la boue

En attendant l’arrivée des compétiteurs internationaux, notre lutin de Gouverneur vient d’imaginer une astuce pour « épargner les piétons de Goma d’accidents et autres inconvénients d’une circulation intense » : la construction de passerelles pour piétons sur les principaux carrefours de la ville. Il s’agirait d’une espèce de pont métallique, à 6 mètres de hauteur, dont le coût serait de quarante mille dollars (chez nous tout se compte en dollars, hein !).

Bon ! Je vais m’arrêter là de faire le Mamman. Je déteste les ironies. En fait, notre Gouverneur est incapable de mener au bout le « chantier » des routes de la ville, lui qui a rasé sans réfléchir le vieux et maigre héritage des années Mobutu. Comme s’il ne connaissait pas la constitution, il attribue la responsabilité au gouvernement central. Ce dernier garde un silence de mort sur la question. Peu avant les dernières élections, l’entreprise chinoise qui est censée exécuter les travaux avait asphalté en toute hâte quelque 2km de route, à partir de la frontière rwandaise jusqu’au centre ville, sans doute pour apaiser la population. Depuis, plus rien. Ou presque.

De nombreuses fois des franges de la population se sont levées pour réclamer la poursuite ces travaux, dénonçant les conséquences du mauvais état des routes de Goma sur la santé des personnes, la marche des affaires, et même l’image de la ville et du pays, mais soit on les a réprimé violemment, soit on s’est empressé de les traiter d’ennemis de la paix et de leur coller des étiquettes politiques ou ethniques de toute sorte.

L’Union Européenne a récemment déclaré qu’elle était prête à financer la construction de 30km de routes à Goma, à condition que les autorités congolaises mettent de l’ordre dans les choses (il y a des choses que les diplomates ne disent pas en public, et des mots qu’ils évitent tout simplement !). Au lieu de cela ; au lieu de « mettre de l’ordre », d’éclairer la population sur les raisons de l’arrêt des travaux confiés aux Chinois, de faire ce qui est en son pouvoir pour que les routes de Goma soient construites rapidement, Monsieur KAHONGYA opte pour des parades et des échappatoires « en l’air ». Une passerelle, c’est bien beau. Mais pas au-dessus de la boue ! Encore qu’à l’endroit où il va faire construire cette passerelle, il est de l’avis de nombreuses personnes qu’un rond-point conviendrait mieux et suffirait.

Je ne sais pas ce qu’il en est de la responsabilité du gouvernement central. Ce qui est sûr c’est que la construction des routes d’intérêt provincial et local est de la compétence exclusive des exécutifs provinciaux, d’après l’article 204 Points 11 et 24 de la constitution. Les provinces ont le droit de retenir à la source 40% des recettes réalisées dans leur ressort, justement pour la conduite de tels projets. Si cela n’est pas fait, il est de mon avis que la responsabilité incombe avant tout au Gouverneur, et il ne peut pas tirer des excuses de sa propre incompétence ou son irrespect de la constitution. Il peut à tout le moins démissionner pour montrer qu’il n’est pas d’accord avec ceux qui, au niveau central, violent la constitution et l’empêchent de mener à bien sa politique.

Mais le fait est qu’ils sont tous les mêmes, gouvernement central et gouvernement provincial. Ils ont d’autres préoccupations que le bien-être de la population. La loyauté du gouverneur vis-à-vis du Président de la République est nettement plus importante à ses yeux que celle, dérisoire, vis-à-vis de ses gouvernés. En conséquence, ces derniers sont sacrifiés, à l’autel des intérêts et des calculs individuels, des alliances politiques et des influences transcendantes.

On aura tout vu…

Dans son discours à l’occasion du lancement en grande pompe (comme toujours) de ce projet aussi fou qu’irréfléchi, notre génie de Gouverneur n’a pas manqué de souligner que l’idée lui avait été inspirée lors de ses voyages à l’étranger. Pathétique, vous ne trouvez pas ! Où a-t-il vu une passerelle au-dessus d’une piste qui ressemble plus à une carrière de mines qu’à une route ? A Séoul, à Washington, à Durban ? Ah ! Peut-être bien à Kinshasa, chez ses mentors…

J’espère seulement que les Congolais comprennent ce que tout ceci signifie : on se moque de nous.  Cher compatriote, pire que de ne pas dénoncer ce genre de politiciens, c’est de les reconduire au pouvoir ou de flatter leur ego en applaudissant leurs discours. N’attendez pas que Son Excellence se confesse : ne vous a-t-on pas dit que le ridicule ne tue pas ! Surtout lorsqu’il s’agit de politiciens Congolais…


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