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mercredi 5 septembre 2012

Guerres à l'Est de la RDC : la jeunesse du Nord-Kivu lance un grave défi au Président Kabila !






Au moment où s'ouvre à Kampala, ce jeudi, le deuxième Sommet de la CIRGL sur la situation sécuritaire à l'Est de la RDC, plusieurs dizaines de jeunes intellectuels de Goma ont manifesté pacifiquement ce mercredi 5 août 2012 à Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, essentiellement pour scander leur farouche opposition à l'idée de déployer une force internationale "neutre" dans leur contrée. 

Ces jeunes, qui ne s'identifient à aucune organisation, aucune association, aucun courant politique ou idéologique, disent avoir en commun une "révolte débordante" due à la fois à la situation des guerres à répétition dans leur pays et leur province, au laxisme du gouvernement, et à l'inaction de la communauté internationale, représentée à leurs yeux par la MONUSCO.

Ils arboraient des cartons pendant au cou sur lesquels on pouvait lire : "non à une force internationale de trop !". Ils demandent au Président Joseph Kabila, dont ils rappellent qu'il est le "Commandant suprême des FARDC", de "nettoyer" la chaîne de commandement des FARDC, d'améliorer leur condition sociale et de leur doter de moyens matériels et techniques adaptés au défi de la sécurisation des frontières de l'Est de la RDC. Ils exigent en particulier, en les nommant - chose plutôt audacieuse - que le Chef d'Etat-major générale des FARDC, le Lieutenant-Général Didier Etumba, et le Commandant de la Force terrestre, le Général Gabriel Amisi Kumba dit "Tango Four" soient démis de leurs fonctions et remplacés par "des officiers plus compétents et loyaux à la République", ajoutant qu' "il n'en manque pas !". 

Ces jeunes reprochent à ces généraux de l'armée nationale congolaise d'avoir montré suffisamment leurs limites à accomplir les devoirs de leurs charges, "à en juger aux résultats sur terrain". Astuce plutôt réussie, si l'on sait que d'autres congolais accusent purement et simplement le Général Amisi Kumba d'être un "traître à la solde des ennemis du peuple congolais". Plusieurs organisations de la société civile congolaise ont déjà demandé, de façon confidentielle, sa mise à l'écart, mais toujours sans succès. 

La MONUSCO n'est pas épargnée : ces jeunes révoltés l'accusent d'être elle aussi laxiste, et d'assister religieusement au saccage de la RDC alors qu'elle est censée ramener la paix (ou y contribuer substantiellement). Ils rappellent que la MONUSCO dépense chaque minute la somme indécente de plus ou moins 2 500 dollars américains (soit près de 4 millions de dollars par jour); qu'elle est présente en RDC depuis plus de 12 ans, "sous le Chapitre VII", et que malgré tout la paix se fait toujours attendre, spécialement dans les provinces du Kivu. Tout en rappelant leur conscience de la primauté de la responsabilité du gouvernement à assurer la paix et la sécurité, ces jeunes demandent que la MONUSCO applique immédiatement le Chapitre VII et oeuvre réellement à ramener la paix.

Ce mouvement anonyme qui se veut révolutionnaire n'en est pas à sa première démonstration. A la mi-août dernier, ces mêmes jeunes (alors moins nombreux que ce mercredi) étaient parvenus à déjouer les mécanismes de sécurité déployés autour de l'hôtel où se tenait la réunion du sous-comité des ministres de la défense de la CIRGL, et avaient manifesté leur opposition à la force internationale neutre. Chaque jour qui passe, le mouvement gagne le coeur de nombreux jeunes et semble susciter en même temps beaucoup de sympathie de la part des habitants de la ville de Goma. Le mouvement va-t-il faire tâche d'huile ? Il est encore trop tôt de le dire. Mais ce qui est sûr, c'est que ces jeunes montrent une énergie étonnante et inédite dans leur lutte, et semblent déterminés à la mener jusqu'au bout. 

En demandant nommément et publiquement la mise à l'écart de ces hauts commandants des FARDC, ils viennent de briser un tabou, et de lancer au président Kabila un grave défi, mais de manière très ingénieuse : s'il s'obstine à garder ces officiers, c'est lui-même qui pourrait être leur prochaine cible ! 

Or, il n'est pas sûr qu'il les suivent. Si l'opposition, qui a déjà évoqué la mise en accusation du Chef de l'Etat pour haute trahison, vient à s'allier la société civile et les forces vives de la nation dans cette requête, il est fort à parier que le pouvoir de Kabila subisse de sérieux coups dans les prochains jours...

Ci-après le message intégral de ces jeunes. Il est intitulé : 


"Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement ;

Nous en avons ASSEZ de ces guerres qui, depuis tant d’années, prennent nos vies et celles de ceux qui nous sont chers, accaparent nos biens, bafouent notre dignité, et détruisent nos espoirs.

Nous en avons ASSEZ de la guerre, quelles qu’en soient les motivations, les méthodes ou les protagonistes : nous voulons la paix. Et nous la voulons MAINTENANT !  

Cependant, nous n’approuvons pas et n’accepterons pas le déploiement d’une « force internationale neutre », telle que vous êtes entrain de l’envisager au niveau de la Conférence internationale sur la Région des Grands-Lacs :

-          D’abord parce que ce serait une force de trop, dans une région déjà sur militarisée, où l’on dénombre beaucoup d’autres forces (MONUSCO, AFRICOM, FARDC, sans parler des nombreuses forces négatives comme le M23, les Maï-Maï, les FDLR, etc.) ;
-          Ensuite parce que comme vous en êtes conscient, il sera difficile, long et coûteux de mettre en œuvre cette nouvelle force. Or, nous avons déjà assez attendu, assez souffert, et nous sommes au bout de notre patience. Vous avez peut-être tout votre temps, mais les groupes armés qui nous tuent, nous violent, incendient nos habitations, et conquièrent nos villages, eux ne nous ferons pas de répit en attendant gentiment que cette force incertaine vienne les défaire ;
-          Enfin parce que même si par quelque magie, et après on ne sait combien de temps, cette « force internationale neutre » venait à être déployée, elle ne fera rien de mieux que la MONUSCO qui « observe » nos malheurs depuis tant d’années déjà ; elle ne produira pas de meilleurs « résultats » que les opérations conjointes menées avec le Rwanda. Qui plus est, elle risque de s’installer dans la durée, comme celles qui l’ont précédée.

Nous ne voulons donc pas d’une force autre que les FORCES ARMEES DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO. Tout ce que nous vous demandons de faire c’est de :

1.      Assainir la chaîne de commandement de nos forces de sécurité (armée, police, renseignement). A ce sujet, nous exigeons que le Chef d’Etat-Major Général , le Lieutenant-Général Didier Etumba et le Chef d’Etat-major de la Force terrestre, le Général Gabriel Amisi Kumba dit « Tango Four » et tous les officiers de leur acabit soient immédiatement démis de leurs fonctions et remplacés par des officiers plus compétents et loyaux (la République n’en manque pas !), parce qu’à n’en juger qu’à leurs résultats, ils ont lamentablement failli à leur mission, et humilié les hommes sous leur commandement ainsi que tout le peuple congolais ;

2.      Une fois le commandement des FARDC et des autres forces de sécurité assaini, mettez-les dans des conditions humaines décentes et dotez-les rapidement de moyens matériels, techniques et financiers suffisants, afin qu’ils soient en mesure de donner le meilleur d’eux-mêmes pour libérer la Nation de tous les groupes armés et des agresseurs. C’est de cette seule manière que l’intégrité territoriale et la souveraineté de notre pays seront rétablies rapidement et maintenues de façon durable. C’est non seulement une solution plus efficace et plus rationnelle, mais aussi une option qui respecte notre dignité en tant que Nation.

Tout en vous rappelant que la défense de notre pays ne revient pas à des pays tiers ou à la « communauté internationale », nous vous demandons d’insister auprès du Conseil de sécurité des Nations-Unies pour que le Chapitre VII de la Charte soit effectivement appliqué, et que la MONUSCO exécute effectivement son mandat, ou se retire carrément.

Comprenez, Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, notre révolte légitime."